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Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/99

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PRIMAUT ET LES POISSONNIERS.

et retournent. « Il est bien mort ! » dit l’un. — Non. — Vraiment si, tête Dieu ! — Je vous dis qu’il en fait semblant. — Eh bien, ce bâton nous accordera. » On joue du bâton, Primaut souffre tout. Un des charretiers avoit un énorme levier : il le fait tomber sur les reins du pauvre loup qui étouffe ses gémissements, résiste à la douleur et ne donne pas signe de vie. Pourtant le vilain surprend un soupir : aussitôt il tire un large coutelas dont il alloit le frapper, mais Primaut juge à propos de ne pas l’attendre ; il fait un saut, renverse un de ses ennemis, et s’enfuit poursuivi par les huées de tous. Le voilà bien en colère, bien roué, bien battu : il gagne avec peine la retraite où l’attendoit son cher compain. « Ah ! Renart, tu m’as trahi. — Comment, sire Primaut, n’avez-vous pas bien dîné des harengs ? — Il s’agit bien de dîner ; les poissonniers m’ont attaqué, battu, roué, peu s’en faut qu’ils ne m’aient assommé. Quel moment et quelle peur quand, après avoir eu les côtes brisées par un levier, je vis briller le coutelas dont on alloit jouer sur mon cou ! C’est alors que j’ai cessé d’être mort et que j’ai rassemblé toutes mes forces pour échapper à ces maudits vilains.

— Ah ! Les vilains ! » reprit alors Renart en retenant une grande envie de rire, « les voilà