Aller au contenu

Page:Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, 1933.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

D’où venaient-ils ? Longtemps je fus tenté de croire
Qu’un ange, à mes côtés, certain soir endormi,
M’avait, sans y penser, fait ce don méritoire.
Voyez comme à l’envers nous écrivons l’histoire !
Je sus, trois jours après, qu’ils venaient d’un ami.
Ô ! toi qui fus ma vie et mes seules délices,
Ô femme inoffensive et candide à ravir,
Ange qui n’a sur moi laissé pour souvenir
Qu’une bourse trop plate et quelques chaudes-pisses,
Tu sais que ce bas monde est pétri d’injustices ;
Pardonne au vil soupçon dont j’allais te noircir !
Grâce à toi, j’ai longtemps absorbé de l’eau claire ;
J’ai, grâce à toi, gardé la goutte militaire,
Et, si quelqu’un osait fouiller dans mes tiroirs,
Il pourrait, à côté des lettres de mon père,
Rencontrer d’aventure un ou deux suspensoirs.
Oui, pour toi j’ai souffert, ô ma noble maîtresse !
Tu m’as bien extorqué des écus, des louis,
Mais jamais ta réserve et ta délicatesse
Ne m’ont fait dépenser pour un sou d’onguent gris.
On pardonne, après tout, à l’infidèle amante
Qui vous laisse impuissant, goutteux et vérolé,
Mais honte au traître ami dont l’âme insouciante
Laissa trois morpions sur moi planter leur tente !
Sais-tu qu’un jour après les bougres étaient trente
Et que le lendemain leur nombre avait triplé ?
Vainement la pudeur me disait de me taire,
Vainement l’amitié m’ordonnait d’oublier ;
J’ai dû descendre, hélas ! jusqu’au fond du mystère,
J’ai vu la vérité dans toute sa lumière
Et devant l’univers, je la dois publier.


— 108 —