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Page:Les illégalités et les crimes du Congo, 1905.djvu/48

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de Brazza ou autres, qui rêvaient de reconnaitre de nouveaux pays, de soulever un coin du voile mystérieux de l’Afrique. Ils étaient la minorité, l’exception. La majorité, c’étaient ceux qui, en France n’avaient pu se trouver un emploi, les fortes têtes, qui allaient conquérir ailleurs, par tous les moyens, une vie qu’ils n’étaient pas capables de gagner chez nous (Approbation).

Pour l’armée, ce fut un peu différent. Depuis 1870, nous n’avons pas eu de guerre ; l’armée française a perdu — je ne froisserai les sentiments chauvins de personne en disant cela — l’habitude des batailles et des combats, elle ne connait la guerre que par les grandes manœuvres qui n’y ressemblent pas du tout… (Rires). Il est évident qu’en temps de paix, les gens comme les mœurs s’adoucissent. On parle bien des horreurs de la guerre, mais en France aujourd’hui on ne connait cela qu’en imagination. L’armée coloniale, elle, depuis 1870, a été tout le temps sur la brèche, elle est véritablement l’armée guerroyante ; il n’y a pas d’officier de l’armée coloniale qui n’ait vu des combats et qui n’y ait pris part, qui n’ait supporté des fatigues physiques, qui ne se soit endurci à ce spectacle. Et faut tenir compte que notre crise de colonisation à outrance fut, pour l’armée coloniale, le motif de l’entretien de l’état de guerre et vous savez que la guerre c’est une chose qui couvre beaucoup d’horreurs et d’ignominies. Il ne faut par conséquent pas s’étonner que la mentalité de l’armée coloniale soit essentiellement différente de celle de l’armée métropolitaine : elle est conforme à celle des armées mercenaires, elle ne peut être autre. J’ai eu souvent, comme médecin, à me débattre contre cet esprit.

Une troisième cause de déchéance est le manque absolu de système d’éducation coloniale. On prend, pour aller aux colonies, n’importe qui ; on donne des lettres de service à n’importe quel citoyen tant soit peu recommandé : on y envoie des hommes qui ne savent parfois même pas où elles se trouvent, qui s’en vont à Dakar, croyant aller au Tonkin, quand ils arrivent, ils voient bien des hommes jaunes ou noirs, mais ils ne savent pas très bien de quelle race ils sont, comment ils vivent, comment ils parlent,