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Page:Les illégalités et les crimes du Congo, 1905.djvu/55

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assemblée, où il me parait qu’il y a quelques personnes qui approuvent les négriers, et ce n’est point pour elles que je parle.

C’est à vous, Monsieur le Président, que je m’adresse pour vous rappeler un souvenir récent : nous étions, mon vénéré maître Frédéric Passy et moi, à Lucerne, il y a un peu plus d’un mois ; c’était le Congrès de la Paix. Il y avait là des Européens et des blancs de toutes nations. À un moment donné on vit monter sur l’estrade, très modeste et très poli dans sa robe de soie et avec sa natte dans le dos, un jeune Chinois, le jeune Chinois venait parler aux Européens et aux blancs ; avec une légère ironie, il leur disait : « Nous étions le peuple le plus pacifique du monde, nous étions plus que pacifiques, nous méprisions les guerriers. Qu’avez-vous fait de nous ? Vous nous obligez maintenant à nous défendre, vous nous obligez à devenir, nous qui sommes vos ancêtres en civilisation, aussi sauvages que vous ».

Il y avait à Lucerne un jaune, un de ces jaunes que les Russes, alliés à la République Française, noyaient à Blagovestehenk, attachés par leur natte ; je peux parler à nos autres frères qui sont ici…

Une Voix. — Nous n’en sommes pas responsables !

M. Pierre Quillard. — À nos autres frères qui sont ici, mais pas à vous, Français qui n’êtes pas Français, qui n’êtes peut-être pas un homme. Je parle à mes frères nègres, il y en a ici ; personne ne leur a parlé ; une grande partie de l’assemblée n’est point française ; il y a ici des gens de couleur ; il y a des mulâtres, je vois des personnes aux yeux bridés ; je vois des malais et d’autres avec un petit turban noir sur la tête, peut-être des parsis, des gens de rien au gré de beaucoup de blancs ; ce sont mes frères, c’est à ceux-là que je parle !

Tout à l’heure on nous disait qu’il y a dans la presse française une indifférence pour les choses coloniales, une indifférence pour les crimes qui se commettent au Congo ou ailleurs. Il n’y a pas d’indifférence, il y a quelque chose de pire, il y a l’apologie, il y a la glorification de ces crimes. Je ne veux rien dire de personnel, je ne citerai que des noms historiques, il y a la glorification du commandant Marchand… (Une Voix : Vous sortez du sujet)… Je