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Page:Les illégalités et les crimes du Congo, 1905.djvu/62

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la solitude. Nos colonies ne doivent pas être livrées à des satrapes au petit pied ou à des potentats imbéciles qui pensent qu’il n’y a d’autre loi que celle du plus fort ; nos colonies ne doivent pas être livrées à des soldats qui parfois, par amour du galon, et pour le conquérir rapidement, sont allés aux colonies fomenter des révoltes, afin d’avoir ensuite le mérite de les apaiser dans des flots de sang, en massacrant les femmes et les enfants et en incendiant les villages.

Il ne faut pas que le bon renom de la France continue à être terni. Nous avons à nous humilier à cet égard, nous, les Français, comme les Belges, les Allemands et les Anglais.

On va nous dire peut-être que nous faisons ici une œuvre antipatriotique et anticoloniale. Comment ! Parce que nous sommes assurés que l’on pour coloniser autrement que par l’épouvante et que la patrie des Droits de l’Homme doit régner par la justice et ne pas terroriser les populations, on nous dit que nous ne sommes pas des Français ! Je sais bien que nous allons peut-être troubler quelques-uns de ces trafiquants qui comptent, en traitant ainsi le Congo, nous laisser une solitude alors qu’ils auront empoché les bénéfices.

Il faut que ces choses finissent et que l’on ne puisse dire de la France le mot que citait Paul Bert quand il disait : « La colonisation développe le goût de la matraque ». Il aurait pu, après les scandales du Congo, ajouter : la colonisation développe le goût de la chicote, — cette chicote que l’on a niée, que l’ai eue entre les mains et avec laquelle il suffisait de frapper un nègre pour lui fendre la peau comme avec un rasoir, où bien pour le tuer en la prenant par le petit bout. Ce n’est pas avec cela que l’on peut coloniser.

Nous sommes, nous les frères aînés ; les nègres sont nos frères cadets, nous leur devons la protection ; ils doivent avoir confiance en nous.

Puisque le ministre des colonies néglige le devoir d’appuyer et de défendre ceux qui sont ses sujets, notre devoir est, par une protestation continue et inlassable, de l’y contraindre, lui qui, timide et timoré, craint de sévir pour ne pas froisser certains intérêts qu’il ne connait que trop.