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Page:Lettres portugaises, éd. Piedagnel, 1876.djvu/24

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LETTRES PORTUGAISES

pour toujours de regarder ces yeux, dans lesquels je voyois tant d’amour, et qui me faisoient connoître des mouvemens qui me combloient de joie, qui me tenoient lieu de toutes choses, et qui enfin me suffisoient ? Hélas ! les miens sont privés de la seule lumière qui les animoit, il ne leur reste que des larmes, et je ne les ai employés à aucun usage qu’à pleurer sans cesse, depuis que j’appris que vous étiez enfin résolu à un éloignement, qui m’est si insupportable qu’il me fera mourir en peu de temps. Cependant il me semble que j’ai quelque attachement pour des malheurs dont vous êtes la seule cause : Je vous ai destiné ma vie aussitôt que je vous ai vu ; et je sens quelque plaisir en vous la sacrifiant. J’envoie mille fois le jour mes soupirs vers vous, ils vous cherchent en tous lieux, et ils ne me rapportent pour toute récompense de tant d’inquiétudes qu’un avertissement trop sincère, que me donne ma mauvaise fortune, qui a la cruauté de ne souffrir pas que je me flatte, et qui me dit à tous moments : Cesse, cesse, Mariane infortunée, de te consumer vainement, et de chercher un amant que tu ne verras jamais, qui a passé les mers pour te