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Page:Lettres portugaises, éd. Piedagnel, 1876.djvu/53

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PREMIÈRE PARTIE

ménagement. Votre passion me paroissoit fort ardente et fort sincère, et je n’eusse jamais pensé que mes faveurs vous eussent assez rebuté pour vous obliger à faire cinq cens lieues et à vous exposer à des naufrages pour vous en éloigner : personne ne m’étoit redevable d’un pareil traitement. Vous pouvez vous souvenir de ma pudeur, de ma confusion et de mon désordre ; mais vous ne vous souvenez pas de ce qui vous engageroit à m’aimer malgré vous. L’officier qui doit vous porter cette lettre me mande pour la quatrième fois qu’il veut partir. Qu’il est pressant ! il abandonne sans doute quelque malheureuse en ce pays. Adieu, j’ai plus de peine à finir ma lettre que vous n’en avez eu à me quitter, peut-être, pour toujours. Adieu, je n’ose vous donner mille noms de tendresse ni m’abandonner sans contrainte à tous mes mouvemens. Je vous aime mille fois plus que ma vie, et mille fois plus que je ne pense. Que vous m’êtes cher, et que vous m’êtes cruel ! vous ne m’écrivez point : je n’ai pu m’empêcher de vous dire encore cela. Je vais recommencer, et l’officier partira. Qu’importe, qu’il parte ! J’écris plus pour moi que pour vous :