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Page:Level - L’Épouvante, 1908.djvu/17

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L’ÉPOUVANTE

dable et fragile, qu’il n’espérait plus guère cependant : la Gloire !

Une ou deux fois, dans des restaurants de nuit, sous l’incendie des lumières, parmi le relent des mets, le parfum des femmes, le frôlement des chairs et la musique des tziganes, accoudé à sa table, le cerveau vide, les oreilles et les yeux exaspérés par les couleurs et par le bruit, il avait éprouvé cette même sensation inattendue et nette d’être quelqu’un, de porter en lui de grandes choses, et de se dire :

« En ce moment, si j’avais une plume, de l’encre et du papier, j’écrirais des phrases immortelles… »

Hélas, à cette heure louche, où un autre soi-même semble sauter sur les épaules du vrai, et l’étreindre, on n’a jamais la plume, l’encre et le papier… De même, dans le calme de cette nuit d’hiver sous la caresse irritante de la bise, idées et souvenirs effleuraient son âme sans presque s’y poser.

Une horloge tinta : ce bruit suffit à mettre en fuite tous ses rêves. Le passé se plaît à rôder dans le silence, mais rien n’évoque plus inso-