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Page:Level - L’Épouvante, 1908.djvu/228

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L’ÉPOUVANTE

avait dormi son sommeil d’homme libre, innocent, sur ce lit défoncé ou peut-être des escarpes, des criminels avaient passé la nuit, accroupis, l’œil grand ouvert dans l’obscurité, l’oreille au guet, les doigts crispés sur le couteau… Ces terreurs jadis obscures, vagues dans son esprit, lui devenaient familières. Il en comprenait la torture, en excusait l’exaspération, et sentait comment le criminel transformé soudain en bête aux abois, se ramasse dans son coin pour faire tête à ceux qui le poursuivent, et se jette en avant, non pour vendre chèrement sa vie, mais pour la seule joie féroce d’apaiser, dans le meurtre, l’épouvante des nuits sans fin. Le drame terrible de la capture se jouait dans son imagination. Il se voyait, lui, terrassé, empoigné par des mains brutales ; il sentait des souffles chauds passer sur son visage, et tout cela faisait éclore en lui une sorte d’héroïsme de barrière… »

Il se leva, s’approcha de la fenêtre, et, sans oser soulever le rideau, regarda la rue. Sur le trottoir, un homme allait et venait à pas lents. Croyant que cet homme levait les yeux vers lui, il recula, sans cesser d’observer ; pour la seconde