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Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/181

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« Je l’essayai en vain. L’agitation de mon âme chassait le sommeil. — L’esprit en mouvement, malgré la fatigue de mon corps, je n’avais fait que me tourner dans tous les sens, lorsque l’horloge du clocher voisin sonna « une heure. » Comme j’écoutais ce son creux et lugubre, et que je le suivais se perdant dans l’air, je sentis un frisson soudain se répandre sur mon corps. Je tremblais sans savoir pourquoi ; des gouttes froides me coulaient du front, et mes cheveux se hérissaient de frayeur. Tout à coup j’entendis des pas lents et lourds monter l’escalier. Involontairement je me mis sur mon séant et je tirai le rideau du lit. Une simple veilleuse, brûlant sur le foyer, jetait une faible lueur dans la chambre, qui était tendue d’une tapisserie. La porte s’ouvrit avec violence ; une figure entra, et s’approcha de mon lit d’un pas solennel et mesuré. Tremblant de crainte, j’examinai ce visiteur nocturne. Dieu tout puissant ! c’était la nonne sanglante ! c’était la compagne que j’avais perdue ! Son visage était toujours voilé, mais elle n’avait plus ni lampe ni poignard. Elle releva lentement son voile. Quel spectacle s’offrit à mes yeux stupéfaits ! j’avais devant moi un cadavre animé. Elle avait la mine longue et hagarde ; il n’y avait de sang ni dans ses joues ni dans ses lèvres ; la pâleur de la mort était répandue sur ses traits ; et ses prunelles, fixées obstinément sur moi, étaient ternes et creuses.

« Je contemplais le spectre avec une horreur trop grande pour être décrite ; mon sang était gelé dans mes veines. Je voulus appeler du secours, mais le son expira sur mes lèvres. Mes nerfs étaient comme garrottés dans une complète impuissance, et je restai dans la même attitude, inanimé comme une statue.

« Le fantôme de la nonne me considéra quelques minutes en silence ; il y avait quelque chose de pétrifiant