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Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/156

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DOCTRINE PHILOSOPHIQUE DE NOVALIS

à peu son trouble intérieur s’apaise, sa nostalgie se résout en un doux pressentiment d’amour. Et voici que, après avoir longtemps erré à travers des contrées sauvages et d’affreuses solitudes, il atteint enfin la terre de rêve où, sous l’ombre des palmiers, trône la Vierge voilée. Un trouble infini s’empare de lui et fait battre plus vite son cœur : tout lui semble nouveau et pourtant étrangement familier. Et quand, parvenu au terme de sa course, il soulève le voile léger et étincelant qui couvrait la déesse — c’est sa fiancée Bouton de Rose qui glisse dans ses bras. La révélation de la Nature a été identique à la révélation de l’Amour. L’univers est amour.

Il est amour. Il est aussi poésie. Et l’idéaliste magique pour qui se dissipe l’illusion dualiste est en définitive un Poète génial dont l’inspiration jaillit d’un cœur aimant. L’artiste d’aujourd’hui créé des illusions partielles en agissant sur tel ou tel organe dont il dispose souverainement. Ainsi le peintre, qui évoque à son gré tout un monde de rêve à l’aide de sa palette, exerce en une certaine manière une domination sur le sens de la vue, le musicien dispose de même du sens de l’ouïe, le poète de l’imagination et de la sensibilité, le philosophe de « l’organe absolu ». Supposez maintenant, tous ces dons partiels synthétisés en un génie unique, universel, souverain, capable de pétrir à sa fantaisie un univers, de créer