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Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/174

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DOCTRINE RELIGIEUSE DE NOVALIS

l’amante qu’ils étreignent, dans l’air qu’ils respirent, dans les sons et les paroles qui frappent leurs oreilles. C’est ce Messie que Novalis avait jadis rencontré et adoré dans la personne de sa fiancée d’élection, de sa bien-aimée Sophie. En elle il avait reconnu le Christ vivant, le céleste Médiateur. Elle l’avait initié au suprême mystère, au sacrement universel de l’amour. L’amour qui incline l’esprit vers la chair, qui magnifie la chair et la transmue en esprit, l’amour qui fond en une chair unique le Couple primitif est la révélation splendide de cette puissance sublime qui efface le dualisme de l’âme et du corps, de Dieu et de la Nature, qui abolit la « polarité », qui restaure l’unité originelle du Tout et fond les êtres dans l’ivresse ineffable d’une commune extase.

On ne trouve dès lors, chez Novalis, aucune trace d’étroitesse confessionnelle. Protestant de naissance, il n’hésite pas à formuler, dans Europe, un réquisitoire éloquent et passionné contre les erreurs du protestantisme. Il célèbre avec un enthousiasme lyrique le catholicisme médiéval, l’âge d’or du christianisme, « cet âge de beauté et de gloire où l’Europe était encore un pays chrétien, où la chrétienté une habitait cette contrée façonnée à l’image de l’homme, où un seul intérêt commun unissait les frontières les plus éloignées de ce vaste royaume spirituel ». Or le protestantisme a sapé