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Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/215

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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

va le rendre apte à percer le voile d’illusions qui enserre les mortels.

Tous les événements que nous avons retracés jusqu’ici, depuis le rêve d’Ofterdingen jusqu’à ses fiançailles avec Mathilde, s’accomplissent dans le plan de l’existence ordinaire soumise au mirage du dualisme. Mais au fur et à mesure que se poursuit l’intrigue toute simple du roman, le poète fait naître en nous graduellement l’impression que les scènes qui se déroulent au premier plan, ne sont que de vaines apparences et comme des images symboliques d’une réalité supérieure dont nous avons par instants la brusque intuition. Il semble que le décor varié de la vie de tous les jours soit comme un voile léger derrière lequel se cachent des profondeurs infinies et qui par instants se soulève pour nous laisser entrevoir de mystérieuses perspectives.

Dès le début, le rêve d’Henri d’Ofterdingen s’avère comme étrangement significatif. « Les rêves ne sont que vaine apparence » dit le père d’Ofterdingen, et avec lui la sagesse vulgaire. Mais comment nous ranger à cet avis, quand nous apprenons que le vieil artisan a eu dans sa jeunesse un rêve tout analogue à celui qui a tant ému son fils. Comment ne pas avoir au contraire, avec Henri, le pressentiment confus que la divinité, nous dévoile en de mystérieuses images la nature essentielle de l’être, et nous laisse entrevoir par une intuition prophétique