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Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/240

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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

regretter que Novalis ait été arrêté par la mort si vite et en plein travail ! Quand on considère la virtuosité avec laquelle il a su exécuter le début de sa tâche, et l’art subtil qu’il a déployé dans les quelques pages de la seconde partie dont il a pu achever la rédaction, on ne peut se défendre de penser qu’il aurait peut-être, malgré tout, trouvé en lui les ressources nécessaires pour décrire jusqu’au bout, de façon expressive, l’étrange voyage de Henri d’Ofterdingen à travers les profondeurs de son moi. L’œuvre se dessinait de façon si précise déjà dans son imagination, que son confident littéraire le plus intime, Tieck, a pu être tenté un instant, lorsqu’il s’agit de publier Ofterdingen, de terminer lui-même le roman en utilisant les indications laissées par son ami et de le présenter au public avec un dénouement de fortune. Sur les protestations indignées et énergiques de son collaborateur Schlegel, il renonça — fort heureusement ! — à cette sacrilège tentative. Nul autre que Novalis n’était à même de trouver le style et le ton appropriés à la conclusion qu’il rêvait. Et il ne nous reste, aujourd’hui, en admirant la hardiesse de l’édifice prodigieux dont il avait imaginé le plan, qu’à déplorer la rigueur de la destinée qui frappa l’audacieux artiste à la fleur de l’âge, sans lui laisser le temps d’achever la réalisation poétique de sa grandiose conception.