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Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/25

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LA JEUNESSE DE NOVALIS

père comme la plus funeste et dangereuse aberration, il a eu, pour la formation de la personnalité de notre poète, une importance capitale. Si Novalis compte dans l’histoire de la littérature et de la pensée allemande, ce n’est pas seulement parce qu’il a été un mystique chrétien d’une exquise ingénuité, mais aussi parce qu’il apparaît en même temps comme l’un des représentants typiques de cette génération idéaliste et romantique qui se développait à ce moment en Allemagne. Or, c’est bien à Leipzig et au contact de Frédéric Schlegel, qu’il a pris conscience de cette culture romantique, qu’il s’est assimilé dans ses grandes lignes la conception du monde qui germait dans les esprits les plus avancés de la jeunesse d’alors. C’est ce besoin profond d’entrer en communion avec l’âme de son temps qui l’a certainement entraîné vers Schlegel en dépit des différences profondes qui les séparaient. Il a peut-être toujours gardé vis-à-vis de l’homme une défiance en somme être justifiée : « Sois sur tes gardes dans tes rapports avec Schlegel », écrivait-il dans son Journal intime. Mais il se rendait bien compte du profit qu’il pouvait tirer d’une liaison intellectuelle avec lui. Il avait sû deviner en Schlegel un génie capable de jouer vis-à-vis de lui le rôle d’initiateur à la vie de l’esprit, le prêtre d’Éleusis, qui lui ouvrirait le sanctuaire de la culture contemporaine. « Par toi, lui écrivait-il un peu plus tard, j’ai appris à con-