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Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/36

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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

res, « Mlle Sans-Jupon ». Et sur ce fond tout radieux de soleil et de gaieté, se détache, comme nimbée d’une clarté de rêve, la douce figure de la fiancée de Novalis avec ses cheveux d’or pâle et ses grands yeux noirs profonds, — un frais bouton d’aubépine, prêt à s’épanouir au soleil de l’amour, une enfant bientôt jeune fille, enjouée et pensive, rieuse et naïve et pourtant méditative, dont la sagesse ingénue résout en se jouant, les mystères éternels du monde. Quelques mois après sa première visite à Grüningen, en mars 1795, Hardenberg se fiance en secret avec Sophie. Ses frères Erasme et Charles, mis dans la confidence de cet amour, deviennent à leur tour les familiers de l’hospitalière maison ; déjà ils rêvent d’y trouver, eux aussi, des compagnes de leur vie. C’est dans tout le petit cercle un débordement de joie et d’enthousiasme.

Or cette vision paradisiaque n’est guère autre chose qu’un beau mirage éclos dans une imagination romantique.

Un historien récent de Novalis, M. Heilborn, qui a pu feuilleter les papiers inédits des archives familiales des Hardenberg et confronter ainsi la réalité avec le rêve, s’est trouvé à même de nous dire, documents en main, ce que fut véritablement l’entourage de la fiancée de Novalis. Et de la vérité à la légende le contraste est flagrant. Les hôtes de Grüningen n’étaient rien moins que des fleurs de distinction.