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Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/55

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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

il le peut ». Et il avait conclu de là qu’il suffisait d’un effort de volonté pour que Sophie ne mourût pas. Il donnait le pas à la vie psychique sur la vie physique, à la volonté sur l’expérience. Allait-il, devant le démenti brutal que lui infligeait la réalité, renier son idéalisme ? Il était, d’autre part, entré dans la vie avec une joyeuse confiance, plein de la plus large sympathie pour tout ce qui était humain, prêt à jouir de toutes les beautés de l’univers, heureux de sentir qu’il tendait en même temps vers l’amour, vers le bonheur et vers Dieu. Allait-il, après l’effondrement de son beau rêve, après la disparition de la médiatrice qui l’avait mené à Dieu, sombrer dans le désespoir et le pessimisme ?

Rien n’atteste mieux l’essentielle noblesse de la nature morale de Novalis, que son attitude dans cette crise décisive. Il a vu mourir coup sur coup sa fiancée et son frère, il sent sa vie sourdement minée par les premières atteintes d’un mal qui ne pardonne pas. Jamais il ne se laisse abattre par la détresse ni gagner par le doute. Il souffre, mais sans un instant de révolte. De ce que sa vie est brisée, il ne conclut pas que la vie soit mauvaise. Il continue à la voir bonne et belle. Il regrette que pour lui la vie selon le monde soit finie : mais il n’en prend pas texte pour maudire sa destinée, pour se poser en victime, pour douter de l’ordre universel. Ses plaintes sont imprégnées de résignation. « C’est vrai, écrit-il à