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Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/58

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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

sent tout proche, il l’appelle de tous ses vœux mais sans plaintes ni récriminations. « Mes forces ont plutôt augmenté que diminué… Je suis tout à fait content — la force qui nous élève au-dessus de la mort, je l’ai acquise à nouveau. Tout mon être a pris de l’unité et de la consistance — je sens germer en moi la vie future. Je veux bien jouir de cet été, être très actif, me fortifier dans l’amour et l’enthousiasme. — Je ne veux pas venir vers elle malade — mais dans la pleine conscience de ma liberté, heureux comme l’oiseau migrateur. Je me sens déjà plus apte à jouir — les couleurs ressortent plus vives sur le fond sombre, le matin approche — des songes angoissants me l’annoncent. Avec quelle extase je lui parlerai quand je me réveillerai, quand je me retrouverai dans ma patrie éternelle et familière et que je la retrouverai. Je rêvais de toi : je rêvais que je t’avais aimée sur terre ; sous ta figure terrestre aussi, tu étais pareille à toi-même ; tu mourus ; et alors, après une courte minute d’angoisse, je te suivis. » Il songe à sa fiancée morte avec une joie mystique. Il ne veut pas s’évader de la vie par un acte de désespoir, par un suicide violent. Il ne veut même pas se détourner de l’existence, s’emmurer dans l’austérité d’une retraite ascétique. Non. Idéaliste impénitent, malgré le démenti cruel que vient de lui donner l’expérience, il rêve de se détacher de la terre, unique-