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Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/65

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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

la matière, où le monde intérieur de l’âme s’oppose au monde extérieur de la nature, où les âmes elles-mêmes sont séparées les unes des autres par l’inexorable barrière de l’individuation, où la créature finie est vouée à la mort. Il aime cet Empire du Soleil, radieux et plein de merveilles où règne « la Lumière, joie du monde, avec ses rayons et ses ondes, et ses mille couleurs, et sa douce omniprésence pendant le jour ». Il aime cette Lumière, source immortelle de vie, « que respire l’univers immense des astres infatigables baignés dans son azur, que respire la Pierre étincelante et la Plante immobile, et l’Animal aux formes variées, toujours en mouvement ; — que respirent les nuages diaprés et l’atmosphère, et surtout l’Étranger magnifique, aux yeux pensifs, à la démarche balancée, à la bouche sonore ».

Mais voici qu’au jour succède la nuit. « Au loin repose le monde comme enseveli dans les profondeurs de la tombe. Combien désolée et solitaire est sa demeure ! Une profonde mélancolie fait frissonner les fibres de l’âme. Les souvenirs lointains, les aspirations de la jeunesse, les rêves de l’enfance, les joies fugitives et les vains espoirs de toute cette longue vie, je les vois monter vêtus de gris, tels les brouillards du soir après le coucher du soleil. Au loin repose le monde et la splendeur de ses fêtes. En d’autres régions la lumière a planté sa tente radieuse. Hélas, reviendra-t-elle jamais vers ses en-