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Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/239

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sont détendues, et l’on devine, sous ce masque où les apparences de vie s’effacent, le visage aux yeux creux, aux dents découvertes, au menton carré de la mort.

Plus loin, trois tringlots tournent autour d’un Prussien étendu sur le dos, et dont les bras en croix semblent prêts à une terrible étreinte. Comme l’un d’eux lui soulève la tête pour le dépouiller de son casque, de la bouche entr’ouverte du mort, du sang noir lui jaillit soudain sur les mains. Il grogne :

— Cochon ! et torche ses mains souillées aux pans de la capote grise de l’Allemand.


Un sous-lieutenant du génie compte les cadavres pour les enterrer.

— C’est vous, les artilleurs, qui avez fait ce travail-là ? J’en ai déjà compté dix-sept cents ! Et je n’ai pas fini. Ça va faire plus de deux mille.

Comme je m’éloigne, écœuré, à travers les maïs, mon pied butte. Au contact mou, je devine un cadavre et je fais un brusque saut de côté.


En avant, vers le nord !

Les marges de la route sont jonchées de mausers, de baïonnettes, courtes comme des couteaux de boucher, de cartouchières, de casques, de sacs en