Aller au contenu

Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les batteries prennent position. Derrière un rideau d’acacias, les échelons s’immobilisent. Une rumeur confuse de lointaine bataille trouble à peine le silence de la nuit tombante, lorsque soudain, comme à un signal, plus de quarante bouches à feu françaises, presque ensemble, lâchent à travers le plateau une formidable rafale.

Les grands éclairs des coups de feu rayent la pénombre du crépuscule. L’air ne cesse de vibrer. On a la sensation que, dans l’atmosphère, des ondes sonores énormes se choquent et se heurtent comme les vagues d’un océan en tempête. Répondant aux mêmes vibrations, la terre tremble. Peu à peu l’ombre s’épaissit.

Nos batteries tirent certainement sur des points repérés. L’ennemi ne répond que de loin en loin et au hasard.

Brusquement, parmi nous, la nouvelle circule :

— L’ennemi embarque ! On bombarde une gare…

— Oh ! moi, je les laisserais bien prendre leurs billets, déclare un réserviste nonchalant, étendu sur le ventre à la tête de son attelage. Je ne les gênerais pas pour ça. Qu’ils foutent donc le camp et qu’on rentre chez nous. J’ai une femme et deux gosses. C’est pas drôle, la guerre !…

Il est nuit noire quand, une à une, les pièces se taisent. En quelques instants le silence se fait, un