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Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/271

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mets-toi là… à la porte. Voilà le mouvement : moi et le copain on fonce dedans, on en tire vivement chacun un… toi, tu les abats à la sortie d’un coup de rigolo. C’est compris ?

— Compris !

J’aperçois une ruée confuse d’hommes dans la fumée. J’entends des sabots durs gratter le sol. Tout de suite un canonnier reparaît, attelé à deux mains à la queue d’un gros mouton qu’il attire dehors, à reculons. J’abats le mouton sur le seuil et immédiatement un second. Le jardinier va en chercher un troisième.

Je remets mon revolver dans son étui. Chacun hisse une bête sur ses épaules. Cela fait, au cou, une lourde fourrure que nous maintenons par les fines pattes ramassées en avant, deux à deux. Les têtes pendantes, derrière, nous saignent dans le dos. Nous nous éloignons à travers les betteraves.

Soudain le jardinier crie :

— Écoute !…

On s’arrête.

— À terre !

— Nous sommes vus !

De gros obus s’annoncent. On s’allonge derrière les moutons qui font rempart. Les obus tombent entre la ferme et nous. Au trot, malgré la charge, nous nous écartons de la ligne de tir des obusiers. Nous revoyons les gendarmes morts. Nous ne nous