Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/285

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haltes de l’infanterie et par on ne sait quels encombrements.

Vers minuit, nous passons l’Aisne. Il n’a pas cessé de pleuvoir. Deux falots marquent seulement l’entrée du pont construit par le génie. Il vacille sous les pas des attelages, on entend l’eau clapoter sur les panses de tôle des bateaux.

À présent, la route est libre. En avant, les batteries prennent le trot. Un cheval empêtré arrête un instant les échelons, mais, avant qu’ils aient pu rejoindre la tête de la colonne, un carrefour se présente. Dans l’ombre épaisse, rien n’indique plus le chemin qu’ont suivi les premières voitures. On écoute… On croit entendre un roulement vers la droite. On s’engage sur la route d’où semble venir le bruit. Les conducteurs activent leurs chevaux. Du regard, on sonde la nuit, espérant toujours voir sortir de l’ombre la lourde forme d’un caisson ou d’une pièce. En vain. La chaussée se rétrécit. À chaque minute on risque d’aller au fossé. Il faut bien reconnaître que nous nous sommes égarés.

Le lieutenant donne l’ordre de faire halte. Nous attendons le jour pour repartir. L’averse redouble de violence. On ne sait où trouver un abri. Les servants, sur les coffres, se serrent les uns contre les autres et s’immobilisent. Les conducteurs pataugent à la tête de leurs attelages.