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Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/304

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cards où gisent des hommes sanglants, sur une grande table de ferme couverte d’une toile cirée à fleurs, des infirmiers étendent les grands blessés. Deux majors les pansent en hâte.

L’un, un gros homme brun à lunettes d’or, me fait signe. J’approche.

— Qu’est-ce que tu as ?

— Shrapnell…

— Montre…

Il développe ma main. Quand il soulève la compresse, le sang se met à couler comme une fontaine. Il regarde la plaie et fait une moue.

— Ça saigne…

Il appelle son collègue, un aide-major barbu.

— Regardez… il vaudrait mieux détacher tout à fait le pouce, hein ?

— Ma foi !… dit l’autre.

— Bon. On va te couper ça tout de suite, reprend le major à lunettes d’or.

Je me récrie :

— Me couper le pouce !

— Oui, dame ! si tu n’as pas envie… — Attends une seconde…

On vient d’apporter un marsouin. De son épaule ouverte, le sang s’épanche à flots. Le major s’agenouille près du soldat, et fébrilement fouille dans les chairs déchiquetées, cherche à pincer l’artère.

Je pense :