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Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/38

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trompette et l’ordonnance du capitaine avec ses deux chevaux : en tout, dix-huit hommes et dix-neuf chevaux. Sur les dix-huit hommes, dix-sept appartiennent à l’active. Depuis presque une année, ils ont vécu de la même vie, chaque jour ils ont manœuvré ensemble. Ainsi cette pièce a une existence véritable ; elle est une infime société, avec ses amitiés, ses antipathies et ses habitudes.

En fait, Bréjard, le chef de section, la commande à peu près seul, comme il la commandait avant la mobilisation. Rien ne paraît changé.

Hubert, le nouveau chef de pièce, un réserviste, songe surtout présentement à sa jeune femme, qu’il a dû quitter, après quelques mois seulement d’union, et à sa ferme, où il a laissé la récolte sur pied.

Bréjard doit avoir vingt-quatre ans. C’est un grand garçon blond et mince, aux yeux gris infranchissables, au menton volontaire, au visage sans reflets. Engagé très jeune, à force de travail discipliné et de méthode, il vient de se faire recevoir à l’école de Fontainebleau dans un bon rang.

Le brigadier Jean Déprez contraste avec Bréjard. Rêveur, que le régiment ennuyait, et que la perspective de longs mois de guerre ne déride pas, Déprez, dans le service, est un faible à qui l’exercice de son autorité, si petite soit-elle, est à charge. Spirituel par boutade, très indifférent à