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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/104

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THUCYDIDE, LIV. I.

damne, engagèrent ceux qui le voudraient, à y aller former des établissemens. La garnison, composée de Corinthiens, d’Ampraciotes et de Leucadiens, prit sa route par terre du côté d’Apollonie, colonie de Corinthe, dans la crainte que les Corcyréens ne leur fermassent le passage de la mer. Ceux-ci, informés qu’il allait à Épidamne une garnison et de nouveaux habitans, et que la colonie s’était donnée aux Corinthiens, éprouvèrent un vif ressentiment. Ils mettent en mer vingt-cinq vaisseaux, que bientôt suivit une autre flotte, et, d’un ton menaçant, ils ordonnent aux Épidamniens et de chasser la garnison avec les habitans que leur envoyait Corinthe, et de recevoir les exilés d’Épidamne, qui, venus à Corcyre, avaient demandé, en montrant les tombeaux de leurs ancêtres et faisant valoir l’origine commune qui les unissait aux Corcyréens, d’être rétablis dans leur patrie. Les Épidamniens refusèrent de rien entendre, et ceux de Corcyre les allèrent attaquer avec quarante vaisseaux : ils menaient avec eux les exilés qu’ils voulaient rétablir, et un renfort d’Illyriens. Près de former le siége, ils déclarèrent qu’il ne serait fait aucun mal ni aux étrangers, ni même à ceux des Épidamniens qui voudraient se retirer ; mais que ceux qui se décideraient à la résistance, seraient traités en ennemis. Personne n’ayant égard à cette sommation, les Corcyréens assiégèrent la place, qui est située sur un isthme.

Chap. 27. La nouvelle du siége venue à Corinthe, on leva des troupes. Il fut en même temps publié que ceux qui voudraient aller s’établir à Épidamne, y jouiraient de tous les droits de citoyens, et que ceux qui, sans partir sur-le-champ, voudraient participer aux avantages de la colonie, auraient la permission de rester, en déposant cinquante drachmes, monnaie de Corinthe. Bien du monde partit ; beaucoup d’autres apportèrent de l’argent. On engagea les Mégariens à fournir des vaisseaux d’escorte, dans la crainte d’être inquiété dans la navigation par les Corcyréens. Les Mégariens se disposèrent à les accompagner avec huit vaisseaux, et les Paliens, qui habitent l’île de Céphalénie, avec quatre. On invoqua aussi l’assistance des Épidauriens, qui fournirent cinq vaisseaux. Les Hermioniens en donnèrent un ; les Trézéniens, deux ; les Leucadiens, dix ; les Ampraciotes, huit. On demanda de l’argent aux Thébains et aux Phliasiens : on n’exigea des Éléens que des vaisseaux vides et de l’argent. Les Corinthiens eux-mêmes équipèrent trente vaisseaux et mirent sur pied trois mille hoplites.

Chap. 28. Les Corcyréens, sur l’avis de ces préparatifs, vinrent à Corinthe, accompagnes de députés de Lacédémone et de Sicyone, qu’ils avaient pris avec eux. Ils demandèrent que les Corinthiens, comme n’ayant rien à prétendre sur Épidamne, en retirassent la garnison et les hommes qu’ils y avaient envoyés ; que dans le cas de réclamations, on s’en remettrait à l’arbitrage des villes du Péloponnèse dont les deux partis conviendraient, et que celui des deux peuples dont elles reconnaîtraient les droits sur la colonie, en resterait le maître. Ils offraient aussi de s’en rapporter à l’oracle des Delphiens ; mais ils ne consentaient pas à la guerre. Cependant, si leurs demandes étaient rejetées, la violence les contraindrait à se faire des amis qui ne leur plaisaient pas, des amis tout autres que ceux qui l’étaient alors. Les Corinthiens répondirent que s’ils retiraient de devant Épidamne leurs vaisseaux et les troupes de Barbares, on mettrait leurs demandes en délibéra-