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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/118

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THUCYDIDE, LIV. I.

on se plaignait à Corinthe de ce que les Athéniens assiégeaient Potidée, colonie corinthienne, et où se trouvaient renfermés des Corinthiens et des Péloponnésiens. On se plaignait à Athènes des peuples du Péloponnèse qui avaient excité à la rébellion une ville alliée, tributaire des Athéniens, et qui combattaient ouvertement avec les Potidéates : néanmoins il n’y avait pas de rupture déclarée ; la trève subsistait, car les Corinthiens agissaient en leur propre et privé nom.

Chap. 67. Cependant ce siége de Potidée ne leur laissait aucun repos. Appréhendant et pour la place et pour les hommes qui y étaient renfermés, sans perdre de temps, ils prient leurs alliés de venir à Lacédémone, s’y rendent eux-mêmes, et s’écrient que les Athéniens violent les traités et méconnaissent les droits du Péloponnèse. Les Æginètes, par crainte des Athéniens, ne députèrent pas ouvertement : mais en secret ils n’excitaient pas moins ardemment à la guerre (2, 27, 1), se disant privés d’une autonomie que garantissaient les traités. Les Lacédémoniens ayant en outre appelé à Sparte d’autres alliés qui pouvaient avoir aussi à se plaindre d’Athènes, les admirent à leur assemblée ordinaire, et les invitèrent à parler. Les députés, montant à la tribune, exposèrent, chacun à leur tour, les griefs de leur république : les Mégariens, entre plusieurs griefs importans, se plaignirent d’être repoussés de l’agora de l’Attique, contre la foi des traités, et bannis de tous les ports qui appartenaient aux Athéniens. Les Corinthiens se présentèrent les derniers, et ayant laissé les autres aigrir d’abord les Lacédémoniens, ils parlèrent ainsi :

Chap. 68. « La bonne foi qui règne, ô Lacédémoniens, dans votre administration intérieure et dans votre commerce privé, vous rend trop méfians et incrédules sur les perfidies que nous reprochons à d’autres. Cette disposition vous fait passer pour des hommes modérés, mais ne vous rend pas plus habiles dans les affaires du dehors. Souvent, en effet, nous vous avons prévenus du mal qu’allaient nous faire les Athéniens ; mais ces avis, répétés à chaque circonstance qui y donnait lieu, ne vous instruisaient pas : vous nous soupçonniez plutôt de n’écouter que nos ressentimens particuliers. Aussi n’est-ce pas antérieurement aux insultes, mais au moment où l’on nous frappe, que vous convoquez ces alliés ; et parmi eux, qui plus que nous a le droit de parler ici, nous qui avons les plus forts griefs, et contre les Athéniens, qui nous outragent, et contre vous, qui nous négligez ?

» Si les Athéniens ne commettaient contre l’Hellade que de secrètes injustices, il faudrait vous apprendre ce que vous ne sauriez pas. Mais à quoi bon de longs discours, lorsque vous voyez les uns asservis, les autres, nos alliés surtout, menacés du même sort ; lorsque, d’avance et de longue main, nos ennemis se sont préparés à une guerre qu’ils provoquent et prévoient ? Et en effet, sans cette prévoyance, retiendraient-ils, malgré nous, Corcyre, qu’ils nous ont enlevée par ruse, assiégeraient-ils Potidée : deux places dont celle-ci est dans la plus belle position pour disposer de l’Épithrace et dont l’autre eût fourni au Péloponnèse la plus forte marine ?

Chap. 69. » La faute en est à vous, Lacédémoniens, qui, après la guerre médique, les avez laissés d’abord fortifier leur ville, ensuite construire les longues murailles ; à vous qui, jusqu’à présent, avez successivement privé de la liberté non seulement les villes déjà soumises, mais encore, dans ce moment même, vos alliés ; car le coupable n’est pas l’oppresseur ; c’est celui