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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/139

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THUCYDIDE, LIV. I.

nous défendons pas, étroitement unis par nations, par villes, et d’un commun accord, ils n’auront pas de peine à nous soumettre séparément. Et sachez que notre défaite ne serait autre chose que la servitude (mot terrible à entendre chez les Péloponnésiens, comme il est honteux que tant de villes soient vexées par une seule) ; et alors, nous paraîtrions ou reconnaître la justice du traitement que nous subirions, ou le souffrir par lâcheté : nous paraîtrions avoir dégénéré de nos ancêtres, qui ont affranchi l’Hellade, tandis que nous, nous ne savons pas même assurer notre propre liberté, tandis que nous souffrons qu’une seule ville s’érige en tyran sur toute l’Hellade, et que nous prétendons détruire les tyrans qui ne mettent qu’une seule ville sous le joug. Nous ne sentons pas qu’on ne peut sauver une pareille conduite du reproche ou d’imprudence, ou de faiblesse, ou de négligence : car ne croyez pas que vous les évitiez, ces reproches, en vous laissant aller à cette suffisance dédaigneuse que vous affectez à l’égard de vos ennemis ; suffisance qui a perdu tant d’hommes, et qui, pour avoir été si funeste, a mérité d’être, par opposition, appelée insuffisance.

Chap. 123. » Mais à quoi bon accuser le passé plus longuement que ne l’exigent les circonstances actuelles ? Pour parer à l’avenir, venons au secours du présent. Vous avez appris de vos ancêtres à vous procurer par de nobles travaux les fruits de la vertu. Ne changez point de mœurs, quoiqu’un peu plus de richesses vous en donne les facilités. Serait-il sage de perdre par la richesse ce qu’on a gagné par la pauvreté ? Marchez donc avec confiance aux combats : un dieu vous y appelle ; lui-même promet de vous secourir ; et l’Hellade entière, soit crainte, soit intérêt, vous secondera dans cette lutte. Ce ne sera pas vous qui romprez les premiers une trève que le dieu déclare enfreinte, puisqu’il vous ordonne de combattre ; mais plutôt vous viendrez au secours des conventions méprisées.

Chap. 124. » Puisque tout milite en faveur de la guerre présente ; puisque tous nous vous y exhortons d’un commun accord, ne tardez pas, s’il vous paraît démontré que tel est l’intérêt des villes et des particuliers, à secourir les Potidéates, qui, tout Doriens qu’ils sont, se trouvent assiégés par des Ioniens (c’était autrefois le contraire). Rétablissez en même temps la liberté des autres républiques ; car, qui peut se faire à l’idée que, grâce à nos délais, les uns soient déjà dans le malheur, que les autres se voient près d’y tomber ; ce qui est inévitable, si l’on apprend que nous sommes assemblés et que nous n’osons porter des secours. Persuadés que vous en êtes venus à la dernière extrémité, et que nous donnons le meilleur conseil, généreux alliés, à l’instant même, décrétez la guerre, sans craindre ce que, pour le moment, elle peut avoir de terrible : ne songez qu’à la paix qui la suivra, et qui en sera plus durable ; car c’est par la guerre que la paix s’affermit. L’inaction qui veut éloigner la guerre, n’éloigne pas les dangers. Trop assurés que cette république qui maîtrise ceux-ci et qui projette d’asservir ceux-là, menace tous les Hellènes indistinctement, marchons pour la réduire, assurons pour toujours notre tranquillité, et rendons à la liberté les Hellènes, maintenant asservis. »

Ainsi parlèrent les Corinthiens.

Chap. 125. Les Lacédémoniens, après avoir entendu les différentes opinions, prirent les suffrages de tous les alliés qui se trouvaient à l’assemblée. Ils furent donnés par ordre, depuis la ville la plus puissante jusqu’à la plus faible.