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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/146

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THUCYDIDE, LIV. I.

Le point sur lequel ils insistaient fortement, sur lequel ils s’expliquèrent le plus nettement, fut le décret porté contre Mégares, seul obstacle à la paix, disaient-ils. Mais les Athéniens ne rapportèrent point le décret, et n’écoutèrent aucune des autres propositions. Ils accusaient ceux de Mégares de cultiver un champ sacré qui n’était point marqué par des limites, et de donner retraite à des esclaves fugitifs. Enfin arrive une dernière députation de Lacédémone. Ramphius, Mélésippe et Agésander ne dirent rien de ce qu’on avait dit tant de fois ; ils se bornèrent à répéter que les Lacédémoniens voulaient la paix. « Elle subsistera, disaient-ils, si vous laissez les Hellènes autonomes. » Les Athéniens convoquèrent une assemblée et délibérèrent entre eux. Il fut résolu qu’après une mûre délibération, on prononcerait sur tous les points à-la-fois. Beaucoup de citoyens parlèrent ; les deux opinions eurent des partisans : les uns disaient qu’il fallait faire la guerre ; les autres, que le décret sur Mégares ne devait pas mettre obstacle à la paix, et qu’on n’avait qu’à l’abolir. Enfin parut Périclès, fils de Xanthippe, l’homme qui avait alors le plus d’autorité dans la république, et le plus de talent pour la parole et pour l’exécution. Voici les représentations qu’il leur adressa :

Chap. 140. « Athéniens, je persiste dans mon premier sentiment : nous ne devons pas céder aux Péloponnésiens. J’y persiste, quoique je n’ignore pas que les opinions varient selon les événemens, et que l’homme qui exécute se montre moins ferme que lorsqu’il délibère. Je vois qu’aujourd’hui encore j’ai à peu près les mêmes conseils à donner que précédemment ; et je prétends que ceux qui les adopteront, doivent seconder les résolutions communes (dussions-nous, ce qui est très possible, éprouver quelque échec), ou même, en cas de succès, ne point se glorifier de leur sagacité dans la délibération ; car, pour l’ordinaire, la marche des événemens est aussi impénétrable que la pensée de l’homme. Aussi avons-nous coutume, dès qu’il nous arrive un accident imprévu, d’accuser la fortune.

» Quant aux Lacédémoniens, il est clair que depuis long-temps ils cherchent à nous attaquer ; mais à présent nous en avons une preuve trop frappante. En effet, quoiqu’il soit dit dans le traité que nous terminerons à l’amiable nos démêlés réciproques, sans pourtant nous dessaisir de ce que nous aurions entre les mains, ils n’ont dénoncé leurs griefs à aucun tribunal. Nous leur offrons de les discuter, ils refusent ; ils aiment mieux vider la querelle par les armes que par des raisons, et sont ici, non pour adresser des plaintes, mais pour donner des ordres.

» Abandonnez, disent-ils, le siége de Potidée, laissez Égine autonome ; cassez le décret porté contre Mégares. Ce n’est pas tout, laissez les Hellènes autonomes, ajoutent les derniers ambassadeurs. Au reste, Athéniens, ne pensez pas faire la guerre pour bien peu de chose, en refusant la révocation du décret, révocation de laquelle surtout, selon eux, dépend le maintien de la paix, et ne nourrissez pas dans vos cœurs une pensée qui vous porterait à vous accuser un jour d’avoir voté la guerre pour un léger sujet ; car ce léger sujet est comme la pierre de touche qu’ils emploient pour juger de votre caractère et de votre fermeté. Cédez-leur, et sur le-champ vous recevrez des ordres sur un point plus important, comme devant encore vous relâcher par crainte. Repoussez-les au contraire par une réponse ferme, alors vous leur montrerez

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