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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/157

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THUCYDIDE, LIV. II.

d’après leur antique manière d’exister civilement, étaient devenus les hiérons de la patrie ! obligé de suivre un nouveau genre de vie, chacun d’eux croyait s’exiler de sa propre cité.

Chap. 17. [Sur les représentations de Périclès] ils vinrent donc à la ville. Quelques-uns en petit nombre se logeaient dans des maisons qui leur appartenaient, ou chez des parens ou amis. Mais la plupart s’établirent en des lieux déserts, dans les hiérons, dans tous les monumens des héros, excepté dans l’acropole, l’Éleusinium, et autres lieux constamment fermés. Ils s’emparèrent même de ce qu’on appelle le Pélasgicon, près de l’acropole. Il avait été défendu avec imprécations de l’occuper ; cette défense était contenue dans ces derniers mots d’un oracle de Pytho : « «Il vaut mieux que le Pélasgicon reste vide. » Et cependant une crise inattendue y avait poussé une foule immense. L’oracle se trouva expliqué par l’événement dans un sens contraire à celui qu’on y avait attaché jusque-là. En effet, les maux qui affligèrent la république ne furent pas une suite de l’habitation sacrilége du Pélasgicon, mais la nécessité d’habiter ce monument fut une suite de la guerre : l’oracle, sans rien préciser, s’était borné à prédire que le Pélasgicon serait habité pour le malheur des Athéniens. Bien des gens, après s’être pratiqué des logemens dans les tours des murailles et partout où ils trouvèrent asile (car la ville ne pouvait contenir tous ceux qui venaient s’y réfugier), finirent par se partager les longs murs, et par s’y fixer, ainsi que dans une grande partie du Pirée. En même temps on travaillait aux préparatifs de la guerre, on rassemblait des alliés, on appareillait cent vaisseaux contre le Péloponnèse.

Chap. 18. Les Péloponnésiens, de leur côté, s’avançaient. Ils arrivèrent d’abord à la vue d’Énoé, dème de l’Attique, d’où ils devaient faire leurs incursions. Quand ils eurent assis leur camp, ils se disposèrent à former le siége avec des machines de guerre et tous les autres moyens possibles. Énoé, se trouvant limitrophe à l’Attique et à la Béotie, venait d’être entourée de murs : c’était une citadelle pour les Athéniens toutes les fois qu’on en venait aux mains. Les Lacédémoniens préparaient leurs attaques et perdaient leur temps au siége de la place ; ce qui contribua pour beaucoup aux plaintes qui s’élevèrent contre Archidamus. Il avait, disait-on, laissé voir de la faiblesse, au moment où l’on s’était assemblé pour délibérer sur la guerre, et quelque penchant pour les Athéniens, en ne conseillant pas avec chaleur de l’entreprendre. Depuis le rassemblement des troupes, son séjour dans l’isthme et sa lenteur dans le reste de la marche avaient excité contre lui des rumeurs. Il devenait encore plus suspect en s’arrêtant sur le territoire d’Énoé : car c’était dans ce temps-là même que les Athéniens se retiraient dans la ville ; et si les Péloponnésiens avaient accéléré leur marche, et que le général n’eût mis aucune lenteur dans ses opérations, ils auraient probablement enlevé tout ce qui se trouvait dans les champs.

Les troupes d’Archidamus s’indignaient de le voir rester tranquille dans son camp. Il n’en persistait pas moins à temporiser, espérant, dit-on, que les Athéniens se montreraient plus faciles tant que leur territoire ne serait pas entamé, mais ne croyant pas qu’ils se tinssent dans l’inaction s’ils y voyaient une fois porter le ravage.

Chap. 19. Après avoir essayé contre Énoé tous les moyens d’attaque sans pouvoir la prendre, et sans recevoir aucune proposition de la part des Athé-