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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/162

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THUCYDIDE, LIV. II.

vant déserte, voisine des Locriens d’Oponte, pour empêcher les pirates de sortir de cette côte d’Oponte et du reste de la Locride, et d’incommoder l’Eubée. Voilà ce qui arriva cet été, après que les Péloponnésiens se furent retirés de l’Attique.

Chap. 33. L’hiver suivant, le tyran Évarque l’Acarnane, qui voulait rentrer à Astacus, obtint que les Corinthiens l’y reconduiraient avec quarante vaisseaux et quinze cents hoplites : lui-même soudoya quelques auxiliaires. Les généraux de l’armée étaient Euphamidas, fils d’Aristonyme ; Timoxène, fils de Timocrate ; et Eumaque, fils de Chrysis. Ils s’embarquèrent et rétablirent Évarque. Ils voulaient s’emparer de quelques autres endroits de l’Acarnanie situés sur les côtes ; mais n’ayant pas réussi dans leurs tentatives, ils revinrent à Corinthe, et côtoyant Céphallénie, ils descendirent dans la campagne des Craniens. Ils entrèrent en accord avec les habitans, qui, les ayant trompés, se jetèrent sur eux par surprise, et leur tuèrent une partie de leur monde. Contraints par la force de gagner la pleine mer, ils retournèrent chez eux.

Chap. 34. Le même hiver, Athènes, suivant les anciennes institutions, célébra aux frais de l’état les funérailles des citoyens qui avaient été les premières victimes de cette guerre. Voici ce qui s’observe dans cette solennité. La surveille, on expose aux regards du public les ossemens des morts, et chacun peut apporter à son gré des offrandes au mort qui l’intéresse. On donne le signal du convoi. Déjà défilent des cercueils de cyprès portés sur des chars : un pour chaque tribu, dans lequel sont renfermés les os de ses morts. On porte en même temps un seul lit vide pour ceux qu’on n’a pu retrouver quand on a relevé les corps. Les citoyens et les étrangers peuvent, à volonté, faire partie du cortége. Les femmes parentes des morts assistent aux funérailles en poussant des gémissemens. Enfin on dépose les cercueils dans le Céramique, l’un des plus beaux faubourgs de la ville. C’est là qu’on inhume ceux que la guerre a moissonnés. Les braves qui périrent à Marathon furent seuls exceptés, car, pour rendre à leur valeur un éclatant hommage, un tombeau leur fut érigé dans les champs mêmes où ils avaient perdu la vie. Quand les morts sont couverts de terre, l’orateur choisi par la république, personnage distingué par ses talens et ses dignités, prononce l’éloge qu’ils ont mérité. Le discours terminé, on se retire. C’est ainsi que se célèbrent les funérailles. Les mêmes cérémonies furent observées pendant tout le cours de la guerre, autant de fois que l’occasion s’en présenta. Ce fut Périclès, fils de Xanthippe, qui fut choisi pour honorer la mémoire des premières victimes des combats. Le moment arrivé, il quitta le monument pour monter sur une tribune qu’on avait élevée de manière que la voix de l’orateur pût être entendue de la plus grande partie de l’auditoire. Il s’énonce en ces termes :

Chap. 35. « Plusieurs des orateurs que vous venez d’entendre à cette tribune, n’ont pas manqué de préconiser le législateur qui, en consacrant l’ancienne loi sur la sépulture des citoyens moissonnés dans les combats, crut pouvoir y ajouter celle qui ordonne de prononcer leur éloge : sans doute ils pensaient que c’est une belle institution de louer en public les guerriers morts pour la patrie.

» Pour moi, plutôt que de compromettre la gloire d’une foule de guerriers, en la faisant dépendre du plus ou du moins de talent d’un seul orateur, je

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