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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/181

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THUCYDIDE, LIV. II.

cavées. Les assiégés, craignant que ces moyens de défense ne fussent insuffisans contre un ennemi si supérieur en nombre, imaginèrent cet autre expédient. Ils cessèrent de travailler à la grande construction qu’ils opposaient à la terrasse. Commençant un nouveau travail, à partir des deux extrémités de la partie intérieure du petit mur, ils construisirent, en forme de croissant, un deuxième rempart qui rentrait du côté de la ville [et qui s’appuyait sur les deux côtés du mur intérieur].

La grande construction venant à être emportée, le nouveau retranchement servirait de défense, et les ennemis seraient obligés d’élever encore un môle pour attaquer ce retranchement. Alors, se trouvant dans l’intérieur de la ville, ils auraient un second siége à faire, et ils se trouveraient pris de deux côtés à-la-fois.

Tandis que ceux de Platée s’occupaient du nouveau rempart, les Pélonnésiens approchaient de la ville des machines dont l’une, amenée à la partie avancée de la jetée, ébranla fortement la grande construction et consterna les assiégés.

D’autres machines partaient de divers points de la terrasse. Les Platéens en rompaient les coups, en les engageant dans des nœuds coulans et les tirant à eux [de bas en haut, donc perpendiculairement]. Ou bien encore, suspendant de grosses poutres attachées par leurs extrémités à de longues chaînes de fer qui tenaient à deux antennes, posées sur le mur qu’elles dépassaient, puis à l’aide de ces antennes [faisant office de levier], élevant les poutres transversalement, au moment où la machine était près de frapper une partie du mur, alors on abandonnait les chaînes, la poutre se précipitait avec force et brisait la tête de la machine.

Chap. 77. Dès-lors les Péloponnésiens, ne tirant plus aucun secours des machines, et voyant un second mur anéantir les espérances qu’ils fondaient sur la construction de leur terrasse, jugèrent impossible, avec leur menaçant appareil, d’enlever la place de vive force. Ils se disposèrent donc à l’enclore d’une ligne de contrevallation. Mais d’abord, comme la ville n’était pas grande, ils voulurent essayer si, secondés par le vent, ils ne pourraient pas l’incendier. Car ils imaginaient tout pour s’en rendre maîtres en épargnant la dépense et les lenteurs d’un siége.

On apporta donc des fascines, qu’on jeta, du haut de la terrasse, dans l’intervalle qui était entre le premier mur et le mur en construction.

Cet espace ayant été bientôt rempli à force de bras, de la hauteur où ils étaient, à l’instant, sans relâche et de tous côtés, comblant du reste de la ville tout l’espace qu’il pouvait embrasser, et lançant une pluie de feu, de soufre et de poix, ils incendièrent les fascines. Tout-à-coup il s’éleva une flamme telle que personne jusqu’alors n’en avait vu de pareille produite par la main des hommes : car je ne prétends point parler de ces incendies qui ont eu lieu sur les montagnes, lorsque les arbres, agités par des vents impétueux et froissés les uns contre les autres, ont pris feu d’eux-mêmes et se sont enflammés.

L’embrasement fut terrible. Les Platéens, qui avaient échappé à tous les autres dangers, se virent au moment d’être consumés par les flammes. En effet on ne pouvait approcher d’une grande partie de la ville ; et c’était fait d’elle, si, comme s’en flattait l’ennemi, le vent eût poussé ces flammes. Mais on dit qu’il tomba du ciel une forte pluie mêlée de tonnerre, qui éteignit la flamme et mit fin au danger.