Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
182
THUCYDIDE, LIV. II.

on le deviendrait de Zacynthe et de Céphallénie ; qu’alors il ne serait plus si facile aux Athéniens d’infester les côtes du Péloponnèse, et qu’on pourrait espérer de prendre même Naupacte.

Les Lacédémoniens, persuadés, expédient aussitôt, sur un petit nombre de vaisseaux, des hoplites aux ordres de Cnémus, encore navarque, et enjoignent aux alliés d’appareiller leur contingent et de venir le plus promptement possible à Leucade. Les Corinthiens surtout témoignèrent beaucoup de zèle aux Ampraciotes, leurs colons.

La flotte de Corinthe, de Sycione et des contrées voisines, appareillait ; quant à celle des Leucadiens, d’Ampracie et d’Anactorium, déjà arrivée, elle attendait à Leucade.

Cnémus et ses mille hoplites, échappés dans le trajet à Phormion, commandant de vingt vaisseaux athéniens qui étaient en observation à Naupacte, s’occupèrent sans délai de l’expédition de terre [après avoir opéré leur jonction avec les forces de Leucade].

Cnémus avait, en troupes helléniques, des Ampraciotes, des Leucadiens, des Anactoriens et les mille Péloponnésiens qu’il avait amenés ; en troupes auxiliaires tirées de peuplades barbares, mille Chaones, qui ne reconnaissaient pas de rois, et que, par droit de naissance, Photius et Nicanor commandaient annullement, chacun à son tour. Avec les Chaones marchaient les Thesprotes, nation pareillement libre. Les Molosses et les Atitanes étaient conduits par Sabylinthus, tuteur du roi Tharype, encore enfant ; et les Paravéens, par Orède leur roi. Mille Orestes, sujets d’Antiochus, se joignaient, avec l’agrément de leur prince, à Orède et aux Paravéens. Perdiccas, à l’insu d’Athènes, avait envoyé mille Macédoniens, qui arrivèrent trop tard.

Cnémus, avec cette armée, marchait sans attendre la flotte de Corinthe. En traversant le pays des Argiens on ravagea le bourg Limné, qui n’avait pas de murailles ; puis on gagna Stratos, capitale de l’Acarnanie, dans la pensée que si l’on débutait par cette conquête, le reste se soumettrait aisément.

Chap. 81. Les Acarnanes, à la vue d’une puissante armée qui faisait irruption sur leur territoire, et sur la nouvelle qu’une flotte menaçait leurs côtes, ne songèrent pas à réunir leurs forces, soit des côtes, soit de l’intérieur ; ils s’occupèrent uniquement de leur conservation particulière, et députèrent à Phormion pour solliciter des secours.

Celui-ci répondit qu’une flotte devant partir de Corinthe, il ne pouvait laisser Naupacte sans défense.

Les Péloponnésiens et leurs alliés, formant trois divisions, marchèrent vers Stratos, pour établir leur camp à la vue de la place, et la forcer si elle refusait de se soumettre.

Les Chaones et autres barbares s’avançaient placés au centre ; les Leucadiens, les Anactoriens, et ceux qui étaient venus avec eux, étaient à la droite ; Cnémus, avec les Péloponnésiens et les Ampraciotes, avait la gauche. Ces trois corps étaient à de grandes distances les uns des autres, et quelquefois même hors de la vue l’un de l’autre. Les Hellènes s’avançaient en bon ordre, se tenant sur leurs gardes, jusqu’à ce qu’ils campassent en lieu sûr. Mais les Chaones, pleins de confiance dans leurs propres forces, et voulant soutenir la réputation de bravoure dont ils jouissaient parmi les peuples de ce continent, n’eurent pas la patience d’asseoir un camp ; ils firent une marche précipitée avec les autres barbares, dans l’espérance de prendre la ville d’emblée et d’avoir seuls la gloire de ce fait d’armes.