Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
THUCYDIDE, LIV. III.

point écouter, mais persuadés par mes représentations, jugez de sang-froid ceux des Mityléniens que Pachès vous a envoyés comme étant les coupables, et laissez les autres vivre dans leurs foyers. Voilà le parti le plus utile pour l’avenir, et le plus sûr pour épouvanter dès à présent vos ennemis ; car l’homme prudent est bien plus fort contre ses adversaires, que celui qui, en les attaquant, fait de la force un emploi inconsidéré. »

Chap. 49. Ainsi parla Diodote. Il fut ouvert des avis entièrement opposés. Les Athéniens se débattaient avec la même chaleur pour les opinions contraires, et les suffrages étaient balancés ; mais enfin l’opinion de Diodote prévalut. Une seconde trirème est à l’instant expédiée : on craignait que, prévenue par l’autre, elle ne trouvât tous les Mityléniens massacrés. La première avait juste l’avance d’un jour et d’une nuit. Les députés de Mitylène approvisionnèrent le vaisseau de farine et de vin, et promirent de grandes récompenses à l’équipage s’il prenait les devans. Les matelots firent une telle diligence, qu’ils mangeaient et manœuvraient en même temps, ne faisant que tremper leur farine dans du vin et de l’huile : pendant que les uns travaillaient, les autres prenaient du sommeil. Par bonheur, ils n’eurent aucun vent contraire. La première trirème, chargée d’une pénible mission, ne hâtait pas son trajet : la seconde fit tant de diligence, qu’elle ne fut prévenue que du temps qu’il fallut à Pachès pour lire le décret. On allait obéir ; la seconde trirème arrive et empêche l’exécution. Ce fut à cet espace d’un moment que tint le sort de Mitylène.

Chap. 50. Les autres Mityléniens que Pachès avait envoyés comme principaux instigateurs de la révolte, furent mis à mort suivant l’avis de Cléon : ils étaient un peu plus de mille. On abattit les murailles de Mitylène, on saisit les vaisseaux, et, dans la suite, au lieu d’imposer un tribut aux habitans de Lesbos, on divisa leurs terres en trois mille lots. Celles de Méthymne furent exceptées. Trois cents de ces lots furent réservés et consacrés aux dieux ; le sort régla le partage des autres entre des citoyens d’Athènes qu’on envoya en prendre possession. Les Lesbiens les prirent à ferme et les cultivèrent, en payant chaque année deux mines par lot. Les Athéniens prirent aussi dans le continent les villes que les Mityléniens y possédaient, et les soumirent.

Tels furent les événemens de Lesbos.

Chap. 51. Le même été, après la réduction de cette île, les Athéniens, sous le commandement de Nicias, fils de Nicératus, attaquèrent Minoa, île située en avant de Mégares. Les Mégariens y avaient construit une tour, et ce lieu leur servait de fort. Nicias voulait y établir, pour les Athéniens, un poste qui serait moins éloigné que Boudore et Salamine, empêcher les Péloponnésiens de s’en faire un point secret de départ pour courir la mer, et d’expédier, comme ils l’avaient déjà fait, des trirèmes et des bâtimens montés par des pirates : il voulait enfin empêcher toute espèce d’importation à Mégares. D’abord il battit, du côté de la mer, avec des machines, et emporta deux tours avancées du port de Nisée ; il rendit libre le passage entre l’île et ce port ; et, par des fortifications, ferma les abords du côté de la terre ferme, par où l’on pouvait porter du secours à cette île, au moyen d’un pont jeté sur un marécage : car Minoa est très peu distante du continent. Ces opérations terminées en peu de jours, il fortifia aussi l’île, y laissa garnison, et s’en retourna avec son armée.

Chap. 52. Vers le même temps, les Platéens, manquant de vivres, et ne