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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/215

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THUCYDIDE, LIV. III.

courte interrogation, Avez-vous, dans la guerre présente, rendu des services aux Lacédémoniens et aux alliés ? voici notre réponse : Si vous nous interrogez comme ennemis, nous n’avons pas été injustes en ne vous faisant pas de bien. Si c’est comme amis, nous répondons : C’est vous plutôt qui êtes coupables, vous qui nous avez apporté la guerre. Pour nous, et pendant la paix, et dans la guerre contre les Mèdes, nous nous sommes montres irréprochables. Pendant la paix, parce que nous ne l’avons pas violée les premiers ; dans la guerre contre les Mèdes, seuls entre les Béotiens, nous vous avons aidés à les repousser pour affranchir l’Hellade. Quoique habitans du continent, nous avons combattu sur mer à l’Artémisium ; nous étions avec vous et Pausanias à la bataille qui s’est livrée sur notre territoire. Quels périls ont alors courus les Hellènes, que nous n’ayons partagés au-delà même de nos forces ! Vous-mêmes, ô Lacédémoniens, vous-mêmes en particulier, rappelez-vous l’effroi de Sparte, lorsqu’après le tremblement de terre, les Hilotes révoltés se jetèrent dans Ithome : le tiers de nos citoyens ne vola-t-il pas à votre secours ? Serait-il juste d’oublier ces services.

Chap. 55. » Tels nous nous montrâmes dans les plus anciennes et les plus importantes circonstances. Nous sommes depuis devenus vos ennemis ; mais la faute n’en est-elle pas à vous seuls ? Insultés par les Thébains, nous sollicitâmes votre alliance, et notre demande fut repoussée. Vous étiez, disiez-vous, trop loin de nous, et vous-mêmes nous conseillâtes de nous adresser aux Athéniens, dont nous étions plus proches. Quoi qu’il en soit, vous n’avez ni n’auriez éprouvé de notre part aucune offense dans cette guerre. Si, dans la suite, nous n’avons pas voulu, sur votre ordre, abandonner les Athéniens, nous n’avons point en cela blessé la justice. Les Athéniens, en effet, nous secouraient contre Thèbes lorsque vous hésitiez à nous défendre. Il ne nous convenait plus de les trahir, eux qui nous avaient comblés de bienfaits, eux qu’avec d’instantes prières nous avions attirés comme alliés dans notre ville, eux qui dans la leur nous accordaient le droit de bourgeoisie. Leur obéir fidèlement était notre devoir. Sur le fond même des choses commandées et par vous et par eux à vos alliés respectifs, il faut accuser, non ceux qui se montraient dociles à des ordres injustes, mais les chefs qui conduisaient à d’injustes exploits.

Chap. 56. » Quant aux Thébains, déjà nous avions reçu d’eux, mille insultes cruelles. Par quel forfait y ont-ils mis le comble ? Vous le savez ; c’est par celui qui nous a réduits à ce déplorable état. Au sein de la paix et dans la solennité d’une hiéroménie, ils se sont emparés de notre ville par surprise. Nous avons puni cet attentat, n’en avions-nous pas le droit, conformément à cette loi universellement reconnue, qui permet de repousser un agresseur ? Il serait donc contraire à l’équité de nous sacrifier aujourd’hui à leur ressentiment. Car si vous ne réglez votre justice que sur les services actuels que vous tirez d’eux et sur leur haine contre nous, vous montrerez que vous êtes des juges incapables de discerner la vérité et esclaves de leur intérêt. Au reste, si, dans cette guerre, leur société vous offre de grands avantages, la nôtre et celle des autres Hellènes, vous furent-elles inutiles lorsque vous étiez menacés des plus grands dangers ? Ils vous servent, aujourd’hui que votre nom seul a déjà frappé de terreur ceux que vous attaquez ; mais quand le barbare asservissait l’Hellade