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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/218

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THUCYDIDE, LIV. III.

que du moins vous nous replaciez dans la même situation, et que vous nous laissiez le choix du danger que nous voudrons courir. Mais, sur toutes choses, nous demandons que les Platéens, que les plus ardens défenseurs des Hellènes, ne soient pas arrachés de vos mains, entre lesquelles ils réclament en supplians la foi des traités, et livrés à leurs plus cruels ennemis, aux Thébains. Soyez nos sauveurs, et ne nous perdez pas quand vous sauvez le reste de l’Hellade. »

Chap. 60. Telle fut la harangue des Platéens. Les Thébains, craignant que leurs paroles n’eussent touché les Lacédémoniens, déclarèrent que ces vils adversaires ayant, contre leur avis, obtenu la permission de répondre à une simple interpellation par un long discours, eux, à leur tour, prétendaient jouir du même privilége. On y consentit ; ils parlèrent ainsi :

Chap. 61. « Nous n’aurions pas demandé la parole si les Platéens se fussent renfermés dans une réponse précise à votre question ; s’ils ne nous eussent pas accusés, et si se perdant en digressions, ils n’eussent consacré un long discours à répondre à des reproches qu’on ne leur faisait pas, à louer des actions que personne ne blâmait. Il faut donc et que nous répondions à leurs accusations, et que nous réduisions à leur juste valeur ces louanges qu’ils se prodiguent, afin que l’opinion qu’ils vous auraient inspirée, de nous en mal et d’eux en bien, ne leur donne aucun avantage, et que vous ne prononciez qu’après avoir entendu les deux parties.

» Nous allons d’abord remonter à la première origine de nos démêlés. Platée est la dernière des villes béotiennes que nous ayons fondées : nous l’avions prise, après en avoir chassé des aventuriers de diverses nations. Au mépris des conventions les plus solennelles, les habitans de cette nouvelle cite refusèrent de nous reconnaître pour chefs ; seuls entre les Béotiens, ils transgressèrent nos antiques lois ; et quand nous prétendîmes les contraindre à les respecter, ils se livrèrent aux Athéniens, à l’aide desquels ils nous ont fait autant de mal qu’ils en ont souffert de notre part.

Chap. 62. » À les entendre, lors de l’invasion des barbares, seuls entre les Béotiens ils n’ont pas favorisé les Mèdes ; c’est sur ce point qu’ils triomphent et nous insultent. Mais nous prétendons, nous, que s’ils n’embrassèrent pas le parti des Mèdes, c’est que les Athéniens n’en donnèrent pas l’exemple : aussi, d’après le même système, lorsque, dans la suite, les Athéniens marchèrent contre les Hellènes, seuls entre les Béotiens ils se déclarèrent pour les habitans de l’Attique. Au reste, considérez quelle était la situation respective de nos affaires, lorsque chacun de nous se détermina. Le gouvernement de notre cité n’était alors ni une oligarchie régulièrement constituée, ni la démocratie ; mais, ce qui est l’état le plus contraire à une sage législation et à la raison, et le plus voisin de la tyrannie, nous étions soumis à la domination de quelques ambitieux. Ces oppresseurs, se flattant d’affermir leur pouvoir si le Mède était vainqueur, lui ouvrirent les portes malgré le peuple, qu’enchaînait la crainte. Puisque la république ne jouissait pas alors de son indépendance, il serait injuste de lui reprocher une faute commise en l’absence des lois.

» Mais, après la retraite des Mèdes et le rétablissement de l’ordre légal, quand, à leur tour, les Athéniens tentèrent une invasion, et qu’ils essayèrent de soumettre et notre pays et le reste de l’Hellade ; quand, à la faveur des divisions, ils en avaient envahi déjà une grande partie, alors, victorieux à Coro-