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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/221

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THUCYDIDE, LIV. III.

ment bien plus affreux ; elle dont les pères, ou sont morts à Coronée, en s’efforçant de faire entrer la Béotie dans votre alliance, ou se voient livrés, dans leur vieillesse, à un déplorable abandon ? Du fond de leurs maisons, vides de postérité, ils vous supplient, bien plus justement, de les venger de ces hommes coupables ? Qui souffre injustement inspire la pitié ; mais on voit avec joie des criminels, tels que ceux-ci, souffrir tous les maux qu’ils ont mérités. Eux-mêmes se sont attiré l’abandon où ils se voient réduits, puisqu’ils ont repoussé leurs alliés naturels, et que, n’écoutant d’autre sentiment que la haine, ils ont violé les lois à notre égard, sans avoir reçu de nous la plus légère offense. Jamais ils ne subiront un châtiment proportionné à leurs attentats. Leur supplice sera légal, puisqu’ils ne vous ont pas tendu les mains en supplians comme ils le disent, mais qu’ils se sont rendus par accord, et se sont soumis à un jugement.

» Vengez donc, ô Lacédémoniens, cette loi reçue chez tous les Hellènes, et qu’ils ont foulée aux pieds. Qu’après tant de maux injustement soufferts, votre reconnaissance nous accorde aujourd’hui le prix de notre dévouement. Ne nous repoussez pas, séduits par leurs discours. Apprenez aux Hellènes, par un grand exemple, que ce ne sont point les discours que vous jugez, mais les actions. Sont-elles bonnes, le plus simple récit doit suffire ; criminelles, des discours étudiés les couvriraient en vain d’un voile officieux. Si, en votre qualité de chefs des Hellènes, vous établissez contre tous les accusés des formes de jugement expéditives, on cherchera moins de beaux discours pour pallier des crimes. »

Chap. 68. Ainsi parlèrent les Thébains. Les juges de Lacédémone crurent devoir se bornera à demander aux Platéens s’ils avaient reçu d’eux quelques services durant la guerre. Dans les temps antérieurs, conformément aux conventions de Pausanias, après l’expulsion des Mèdes, on les avait invités à rester en repos ; ensuite, avant de les investir, on leur avait proposé, suivant le même traité, de rester neutres, et ils n’avaient point accepté. Les juges, feignant de croire que, vu la justice des propositions faites, et cependant rejetées, toute trève était rompue, et ne voulant plus voir en eux que des ennemis déclarée, les firent venir l’un après l’autre, et leur adressant cette question : Dans le cours de la guerre, avez-vous rendu des services aux Lacédémoniens et aux alliés ? Ils ne pouvaient répondre Oui ; on les emmenait, on leur donnait la mort ; personne ne fut excepté. Il n’y eut pas moins de deux cents Platéens égorgés ; vingt-cinq Athéniens qui avaient soutenu le siége avec eux, subirent le même sort. Les femmes furent réduites en servitude.

Quant à la ville, les Thébains laissèrent la faculté de l’habiter pendant un an à des Mégariens que les troubles venaient d’éloigner de leur patrie, et à ceux des Platéens qui restaient et qui avaient été de leur faction. Mais ensuite ils la rasèrent jusque dans ses fondement, bâtirent sur le sol même de l’hiéron de Junon un portique [lieu de repos pour les voyageurs] qui avait deux cents pieds en tous sens, auquel tenaient des logemens hauts et bas, et firent entrer dans cette construction les toits et les portes de l’ancienne. Les autres matériaux qui se trouvèrent dans la citadelle, servirent à des lits soigneusement faits, qui furent consacrés à Junon, en l’honneur de qui l’on érigea un temple de pierre de cent pieds. Quant à leurs terres, Thèbes les confisqua, les afferma pour dix ans, et en perçut le revenu. La cause probable, ou plutôt la seule et unique cause de