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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/230

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THUCYDIDE, LIV. III.

et passèrent la nuit dans le camp. Les Tanagriens furent battus le lendemain dans une sortie qu’ils firent avec quelques Thébains venus à leur secours. Les vainqueurs les désarmèrent, dressèrent un trophée et retournèrent les uns à Athènes, les autres sur leurs vaisseaux. Nicias côtoya le rivage avec ses soixante bâtimens, saccagea la partie maritime de la Locride, puis rentra dans Athènes.

Chap. 92. Vers le même temps, les Lacédémoniens fondèrent la colonie d’Héraclée dans la Trachinie. Tel fut le motif de cet établissement : les Maliens se divisent en Paraliens, Hiéréens et Trachiniens. Cette dernière peuplade, fréquemment attaquée par les peuples de l’Éta, auxquels elle confine, était près de se mettre sous la protection des Athéniens ; mais, dans la crainte de ne pas trouver en eux des alliés sûrs, elle envoya à Lacédémone, et choisit pour son député Tisamène. À cette députation se joignirent, pour le même objet, des Doriens, dont les Lacédémoniens sont colonie : ils avaient également à souffrir des hostilités des Étéens. Les Lacédémoniens, sur ce que dirent les députés, conçurent le dessein d’envoyer une colonie pour défendre à-la-fois et les Trachiniens et les Doriens. Ce serait d’ailleurs une place avantageusement située pour attaquer les Athéniens ; on y pourrait équiper contre l’Eubée une flotte qui aurait peu de chemin à faire pour s’y rendre ; enfin elle offrirait un passage commode pour aller dans l’Épithrace. Impatiens de fonder cet établissement, ils commencèrent par consulter Apollon chez les Delphiens, et, sur l’ordre du Dieu, ils envoyèrent des colons, tant de la Laconie elle-même que des pays voisins, et permirent de les suivre à ceux des autres Hellènes qui le voudraient, excepté aux Ioniens, aux Achéens et à quelques autres peuplades. Trois Lacédémoniens furent chargés de présider à cette fondation, Léon, Alcidas et Damagon. Ils relevèrent et fortifièrent de nouveau cette ville, qui s’appelle maintenant Héraclée. Elle est éloignée de quarante stades au plus des Thermopyles, et de vingt stades de la mer. Ils préparèrent des havres, les établirent aux Thermopyles, et les commencèrent à partir des gorges mêmes, pour qu’ils fussent d’une plus facile défense.

Chap. 93. Les Athéniens ne virent pas d’abord sans inquiétude cette nouvelle colonie, composée d’hommes de diverses nations ; ils considéraient que sa principale destination était de menacer l’Eubée, parce qu’un court trajet de mer la sépare de Cénée [promontoire] de cette île. Mais l’événement démentit leurs craintes, car cette colonie ne leur fit aucun mal. En voici la raison : les Thessaliens, alors maîtres du pays où se fondait cette colonie, craignant d’avoir de trop puissans voisins, les attaquèrent, et ne cessèrent de combattre ces nouveaux venus, qu’ils n’eussent réduit leur multitude à un petit nombre. Comme la cité était l’ouvrage des Lacédémoniens, bien des gens s’y étaient rendus avec confiance, persuadés qu’on y serait en sûreté ; mais les commandans qu’on y envoya de Lacédémone, par la terreur qu’inspirèrent à la classe du peuple la dureté et quelquefois l’injustice de leur gouvernement, ne contribuèrent pas faiblement eux-mêmes à y tout bouleverser, et ruiner la population. C’était faciliter aux peuples voisins les moyens d’obtenir la supériorité.

Chap. 94. Le même été, et dans le même temps que les Athéniens étaient occupés devant Mélos, les autres Athéniens qui, avec trente vaisseaux, infestaient les côtes du Péloponnèse, tuèrent d’abord en embuscade quelques soldats de la garnison d’Ellomène en Leucadie,