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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/242

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THUCYDIDE, LIV. IV.

Chap. 9. Démosthène, voyant les dispositions que faisaient les Lacédémoniens pour l’assaillir par terre et par mer, se préparait, de son côté, à les bien recevoir ; après avoir mis à sec et traîné près de la fortification les trois vaisseaux qui lui restaient, il les environna de pieux. Les matelots reçurent de lui de mauvais boucliers faits d’osier pour la plupart ; car, dans ce lieu désert, il était impossible de se procurer des armes : encore fut-il redevable de celles-là à un corsaire messénien, vaisseau à trente rames et très léger, qui se rencontra dans ces parages. Parmi ces Messéniens se trouvèrent une quarantaine d’hoplites qu’il incorpora dans sa troupe. Il posta donc la plus grande partie de ses soldats, armés pesamment ou à la légère, sur les points les mieux fortifiés et les plus sûrs, faisant face au continent, avec ordre de répondre aux attaques de l’infanterie ennemie, si elle tentait de les forcer. Pour lui, à la tête de soixante hoplites et de quelques archers, l’élite de son armée, il sortit des retranchemens et marcha vers la mer, s’attendant bien que les Lacédémoniens hasarderaient la descente, surtout de ce côté : car, bien que ce point fût de difficile accès et hérissé de roches tournées vers la mer, comme c’était la partie la plus faible de la forteresse, il pensait que l’ennemi porterait vers ces roches tout l’effort de l’attaque. Les Athéniens avaient jugé inutile de fortifier soigneusement ce point, pensant que leurs adversaires ne leur seraient jamais supérieurs sur mer ; mais ils ne doutaient pas que, la descente une fois opérée, la place ne fût bientôt prise : en conséquence, leur chef s’avance de ce côté sur le rivage, y range ses hoplites, pour empêcher, s’il est possible, le débarquement de l’ennemi, et anime leur valeur en ces termes :

Chap. 10. « Compagnons, qui partagez avec moi le péril présent, qu’aucun de vous, dans une circonstance aussi impérieuse, ne cherche à faire preuve d’habileté, en calculant tous les dangers qui nous environnent. Fermons bien plutôt les yeux sur ces dangers ; animés d’un généreux espoir, unissons-nous tous pour repousser l’ennemi. Quand les circonstances commandent, lorsqu’on est, comme nous, forcé d’agir, on ne raisonne pas sur les dangers de sa position, on court les affronter. Je vois, au reste, plus d’une chance favorable, pourvu que nous soutenions l’attaque avec fermeté, et que nous n’allions pas, intimidés par le nombre, trahir lâchement nos avantages. En effet, si nous voulons tenir ferme, ce lieu, par les obstacles naturels qu’il présente aux assaillans, secondera puissamment notre résistance ; si nous cédons, au contraire, quoique d’un abord difficile, il cessera dès-lors d’être inaccessible à un ennemi dont personne ne repoussera plus les efforts. Et quand même, après avoir plié, [revenus sur nos pas] nous ferions des prodiges de valeur, n’aurons-nous pas affaire à des ennemis d’autant plus terribles, qu’ils verront la retraite presque impossible ? Tant qu’ils seront sur les vaisseaux, vous les repousserez facilement. Mais je les suppose même descendus : ne vous effrayez point ; malgré leur multitude, vous combattrez encore à forces égales. Quel que soit leur nombre, grâce aux difficultés du débarquement, vous n’aurez à-la-fois qu’une poignée d’hommes en tête. Leur armée, à la vérité supérieure en forces, n’est pas sur terre comme la nôtre ; elle est sur des vaisseaux, et les troupes en mer ont besoin pour le débarquement d’un concours de circonstances favorables : de sorte qu’à mon avis l’infériorité du nombre se trouve bien compensée pour nous

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