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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/261

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THUCYDIDE, LIV. IV.

garnison lacédémonienne du pays, qui les avait aidés à se fortifier, refusa, malgré leurs prières, d’entrer dans leurs murs, voyant du danger à s’y enfermer. Elle se retira sur les hauteurs, et ne fit aucun mouvement, se croyant hors d’état de combattre. Cependant les Athéniens abordent, s’avancent aussitôt avec toutes leurs forces, emportent Thyrée, mettent le feu à la ville, détruisent tout ce qui s’y trouve, puis retournent à Athènes, emmenant les Éginètes qu’on n’avait pas tués dans l’action, et Tantale, fils de Patrocle, général mis à leur tête par les Lacédémoniens, et qu’on avait pris couvert de blessures. Ils emmenèrent aussi un petit nombre d’habitans de Cythères, que, par mesure de sûreté, ils crurent devoir transporter ailleurs. On décida qu’ils seraient déposés dans les îles ; que les autres Cythériens qui resteraient dans le pays, paieraient un tribut de quatre talens, et que tous les Éginètes faits prisonniers seraient mis à mort : effet des haines invétérées qui avaient constamment divisé ces deux villes. Tantale fut enfermé dans la même prison que les autres Lacédémoniens pris à Sphactérie.

Chap. 58. Le même été, dans la Sicile, il se conclut d’abord une suspension d’armes entre les citoyens de Camarina et ceux de Géla. Les autres Siciliens formèrent ensuite à Géla un congrès, où les députés de toutes les villes se concertèrent pour parvenir à une conciliation générale. Beaucoup d’opinions diverses furent émises. On n’était point d’accord : chaque ville se prétendait lésée et réclamait des dédommagemens. Hermocrate, fils d’Hermon, de Syracuses, qui était l’âme de la négociation, parla en ces termes :

Chap. 59. « Ce n’est point, ô Siciliens, comme représentant d’une ville faible ou épuisée par la guerre, c’est comme ami de mon pays que je vais exposer l’avis qui me semble être dans l’intérêt de la Sicile tout entière. À quoi bon dérouler longuement, devant des yeux qui ne le connaissent que trop bien, l’affreux tableau des calamités qu’engendre la guerre ! Ce n’est ni l’ignorance qui force à l’entreprendre, ni la crainte qui en détourne la cupidité, si elle espère s’enrichir. Mais les uns croient que les avantages qu’ils se proposent, l’emporteront sur les maux qu’ils peuvent avoir à craindre ; les autres aiment mieux s’exposer à toutes les chances de l’avenir que de souffrir un dommage présent. Cependant, si l’on a droit d’espérer quelque succès d’un discours conciliateur, c’est lorsqu’on peut prouver aux deux partis que leur entreprise n’est pas formée dans un moment favorable à leurs prétentions. Telle est donc, dans la conjoncture actuelle, la considération qu’il importe de présenter. Nous avons pris les armes parce que chacun de nous voulait pourvoir à ses intérêts privés : maintenant efforçons-nous, par des discussions modérées, d’en venir à un accommodement général ; si nos prétentions réciproques, se trouvent inconciliables, nous aurons recours de nouveau à la voie des armes.

Chap. 60. » Sachons néanmoins que, si nous sommes sages, l’objet de cette assemblée ne doit pas être uniquement de pourvoir à ce qui nous touche personnellement, mais d’examiner s’il est encore possible de sauver la Sicile entière en butte aux insidieuses manœuvres des Athéniens. Ce sont eux, bien plus encore que nos discours, qui doivent apaiser nos discordes : eux qui, étant le peuple le plus redoutable et le plus puissant de l’Hellade, sont venus, avec un petit nombre de vaisseaux, épier nos fautes ; eux dont la politique adroite couvre du beau nom d’alliance cette