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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/265

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THUCYDIDE, LIV. IV.

depuis long-temps, au moyen d’une permission qu’ils avaient obtenue en se conciliant les bonnes grâces du commandant de la porte, ils se la faisaient ouvrir, et transportaient de nuit à la mer, sur une charrette, à travers le fossé, un canot à deux rames, pour exercer la piraterie. Ils restaient en mer, et, avant le jour, ils rapportaient la barque sur la charrette, et la faisaient rentrer par la porte, pour que l’expédition nocturne fût ignorée de ceux qui étaient à Minoa, aucun vaisseau ne paraissant dans le port.

Dans la nuit dont nous parlons, la charrette était déjà devant la porte ; elle s’ouvrit comme à l’ordinaire pour laisser entrer le canot, et les Athéniens, qui avaient le mot, accoururent de leur embuscade avant qu’elle se fermât. Ils saisirent le moment où la charrette la traversait et en empêchait la clôture, et, à l’aide des Mégariens complices, ils tuèrent les gardes. Les Platéens et les coureurs aux ordres de Démosthène arrivèrent les premiers au lieu où est à présent le trophée. Il y eut un combat au-delà des portes, entre eux et ceux des Péloponnésiens les plus voisins, qui, se doutant de ce qui se passait, venaient apporter du secours. Les Platéens remportèrent la victoire, et protégèrent le passage des hoplites athéniens qui arrivaient.

Chap. 68. Ceux-ci, à mesure qu’ils entraient dans les longs murs, s’avançaient vers les murailles [de la ville pour les escalader]. Les soldats de la garnison péloponnésienne résistèrent d’abord en petit nombre ; il y en eut plusieurs de tués : mais la plupart s’enfuirent, effrayés de l’attaque nocturne et subite des ennemis, à qui se joignaient des citoyens perfides. Ils se croyaient trahis par tout le peuple de Mégares, d’autant plus que le héraut athénien, de son propre mouvement, s’avisa de proclamer que tous les Mégariens qui voudraient embrasser le parti d’Athènes eussent à déposer les armes. À cette proclamation, les Péloponnésiens cessèrent toute résistance, et, croyant avoir tout le peuple pour ennemi, ils se réfugièrent à Nisée. Au lever de l’aurore, comme les longs murs étaient déjà emportés, et que les Mégariens de la ville étaient dans la plus grande agitation, ceux qui avaient agi pour les Athéniens, et tous ceux d’entre le peuple qui avaient connaissance du complot, disaient qu’il fallait ouvrir les portes et aller au combat. Ils étaient convenus avec les Athéniens qu’aussitôt que ceux-ci verraient les portes ouvertes, ils se jetteraient dans la ville, et qu’eux-mêmes, pour être épargnés et se faire reconnaître, auraient le visage frotté d’huile. Ils pouvaient ouvrir les portes en toute sûreté ; car on avait promis que quatre mille hoplites d’Athènes et six cents chevaux viendraient d’Éleusis pendant la nuit, et ils étaient arrivés. Déjà les conjurés, frottés d’huile, se tenaient aux portes, quand un homme instruit du complot en fit part aux autres citoyens. Ceux-ci se réunissent et arrivent en foule, disant qu’il ne faut pas sortir ; que c’est exposer la ville à un danger manifeste ; que même, dans un temps où l’on avait plus de force, jamais on n’avait osé prendre une résolution si téméraire. Ils étaient prêts à combattre quiconque la soutiendrait. D’ailleurs ils ne laissaient point paraître qu’ils eussent aucune connaissance de ce qui se tramait ; et, non contens de soutenir leur opinion comme la meilleure, ils restaient constamment à la garde des portes. Ainsi les conjurés ne purent faire ce qu’ils avaient projeté.

Chap. 69. Les généraux athéniens, voyant qu’il s’élevait quelque obstacle, et n’étant pas en état de forcer la ville,