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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/274

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THUCYDIDE, LIV. IV.

nommé Nicomaque, qui l’avait communiqué aux Lacédémoniens, et ceux-ci en avaient donné connaissance aux Béotiens. Il vint des secours de toute la Béotie ; Hippocrate, n’y étant point encore, ne donnait pas d’inquiétude : les Béotiens prirent les devans, en occupant Syphes et Chéronée. Ceux qui étaient du complot, le voyant manqué, n’excitèrent aucun mouvement dans la ville.

Chap. 90. Hippocrate avait fait prendre les armes à tous les Athéniens sans exception, aux métèques eux-mêmes, et aux étrangers qui se trouvaient dans la ville ; il arriva à Délium après Démosthène, lorsque les Béotiens étaient déjà retirés de Syphes. Ayant fait camper ses troupes à Délium, il fortifia ainsi ce lieu sacré, hiéron d’Apollon : il entoura d’un fossé l’hiéron et le temple. De la terre qu’on retira on fit une terrasse : on la soutenait à l’aide de pieux qui l’entouraient, et en entrelaçant la terre de ceps de vigne arrachés dans l’hiéron. Au milieu de cette terre que fournissait la fouille du fossé, on jetait aussi des pierres et des briques provenant des bâtimens voisins tombés en ruine : on élevait la terrasse par tous les moyens possibles, et on la flanquait de tours de bois où il le fallait. Il ne restait à l’hiéron aucun édifice ; car où fut le portique, tout était en ruine. Ce travail commença le surlendemain du départ : on s’en occupa sans relâche le quatrième jour et le cinquième, jusqu’à l’heure du dîner. La plus grande partie de l’ouvrage finie, le corps de l’armée s’éloigna de dix stades, comme pour faire retraite. La plupart même des troupes légères partirent aussitôt ; mais les hoplites s’arrêtèrent et campèrent à Délium. Hippocrate y resta encore pour établir des gardes ; quant à ce qui restait à faire aux fortifications avancées, il donna les ordres nécessaires sur la manière dont il fallait les achever.

Chap. 91. Cependant les Béotiens se rassemblaient à Tanagra. Déjà ils s’y étaient rendus de toutes les villes, quand ils apprirent que les Athéniens retournaient chez eux. Des onze béotarques, dix furent d’avis de ne pas combattre, puisqu’ils n’étaient plus dans la Béotie : en effet, les Athéniens avaient établi leurs quartiers sur les confins de l’Oropie. Mais Pagondas, fils d’Éoladas, béotarque de Thèbes, avec Ariantidas, fils de Lysimachus, qui se voyait chargé du commandement en chef, se déclara pour la bataille, croyant à propos d’en courir les risques. Il convoqua des hommes de chaque cohorte, afin que le gros de l’armée demeurât toujours sous les armes, et il leur persuada de marcher contre les Athéniens et de les combattre. Il leur tint ce discours :

Chap. 92. « Béotiens, il n’aurait pas même du venir à la pensée d’aucun de vos chefs que les Athéniens ne devraient être combattus que dans le cas où on les surprendrait encore en Béotie. Le pays où ils sont actuellement touche la Béotie ; de là, après s’être fortifiés, ils infesteront notre territoire. Ne sont-ils donc pas nos ennemis, dans quelque lieu que nous les trouvions, et de quelque endroit qu’ils partent pour commettre chez nous des hostilités ! Si, dans ce moment encore, vous croyez que le plus sûr est de ne pas les aller chercher, détrompez-vous. Quand on est attaqué, quand on a ses propres foyers à défendre, il ne s’agit pas de prévoir l’avenir et de raisonner ses opérations avec cette exactitude de calcul que se commande celui qui, tranquille possesseur de son bien, mais avide de nouvelles richesses, médite de porter la guerre chez les autres. D’après une loi constante, une armée étrangère marche-t-elle contre notre

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