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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/279

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THUCYDIDE, LIV. IV.

rent les morts. À peu près à l’époque du siége de Délium, Sitalcès, roi des Odryses, périt dans une bataille qu’il perdit contre les Triballes, et Seuthès, son neveu, fils de Sparadocus, régna sur les Odryses et sur toute la partie de la Thrace, qui avait été sous la domination de Sitalcès.

Chap. 102. Le même hiver, Brasidas, avec les alliés de l’Épithrace, marcha contre Amphipolis, colonie d’Athènes sur le fleuve Strymon. Aristagoras de Milet, fuyant la colère de Darius, avait tenté le premier d’établir une colonie au lieu où est aujourd’hui cette ville : mais il avait été chassé par les Édoniens. Trente-deux ans après, Athènes y avait envoyé dix mille hommes, Athéniens et autres, qui consentirent à y aller ; ils furent détruits à Drabesque par les Thraces. Vingt-neuf ans après, les Athéniens revinrent avec Agnon, fils de Nicias, chargés d’établir la colonie ; ils chassèrent les Édoniens, et firent leur fondation au lieu même qu’on nommait auparavant les neuf voies. Ils étaient partis d’Éione, comptoir maritime qu’ils possédaient à l’embouchure du fleuve, à vingt-cinq stades de la ville qu’on appelle aujourd’hui Amphipolis. Agnon la nomma ainsi, parce que, le Strymon coulant à droite et à gauche de la ville, qu’il environne, il l’enferma d’un long mur, d’un bras du fleuve à l’autre, et la bâtit en vue du côté de la mer et de l’intérieur des terres.

Chap. 103. Brasidas étant donc parti d’Arné dans la Chalcidique, marcha contre cette place avec son armée, et arriva vers le soir à Aulon et à Bromisque, où le lac Bolbé se jette dans la mer. Il y soupa, et continua sa marche pendant la nuit. Le temps était mauvais, il tombait un peu de neige ; mais il n’en eut que plus d’empressements à s’avancer, voulant cacher son approche aux Amphipolitains, excepté à ceux qui devaient livrer la ville : car dans la ville demeuraient des gens d’Argila, colonie d’Andros, et plusieurs autres, qui entretenaient des intelligences avec lui, les uns gagnés par Perdiccas, les autres par les Chalcidiens. Ceux d’Argila, surtout, en qualité de voisins, et d’ailleurs de tout temps suspects aux Athéniens, en voulaient à cette ville : ils saisirent l’arrivée de Brasidas comme une occasion favorable. Déjà depuis long-temps ils complotaient avec des citoyens pour la faire livrer. Ils reçurent Brasidas, et, déclarant cette nuit même leur révolte contre Athènes, ils placèrent leur armée en avant sur le pont du fleuve. Or, la ville est éloignée du fleuve d’un peu plus que la longueur du pont : il n’y avait point encore en cet endroit de murailles comme aujourd’hui, mais seulement un faible corps-de-garde, que Brasidas eut peu de peine à forcer, favorisé à-la-fois par une trahison, par le mauvais temps et par la surprise que causait son arrivée. Il passa le pont, et fut maître, à l’instant même, de tout ce que les Amphipolitains possédaient au-dehors.

Chap. 104. Ceux de la ville ne s’attendaient pas à ce passage : hors de la ville, les uns étaient faits prisonniers, les autres fuyaient vers les remparts : les Amphipolitains étaient dans un trouble et dans une agitation qu’accroissait encore la méfiance qui régnait entre eux ; et l’on dit que si Brasidas, au lieu de laisser ses troupes s’occuper du pillage, avait sur le-champ couru aux portes, la ville eût été prise d’emblée : mais il campa et fit des excursions ; et comme de l’intérieur de la place rien n’arrivait de ce qu’il attendait, il se tint en repos. Le parti opposé aux traîtres était le plus nombreux : il empêcha d’ouvrir à l’instant les portes, et expédia quelques personnes avec le général athénien Eucléès, commandant