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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/281

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THUCYDIDE, LIV. IV.

la mort de Pittacus, roi des Édoniens, tué par les enfans de Goaxis et par sa femme Brauro ; exemple que suivirent Gapsélus et Ésymé, colonies de Thasos. Perdiccas était venu trouver Brasidas, aussitôt après la reddition d’Amphipolis ; il l’aida à consolider ses conquêtes.

Chap. 108. La perte d’Amphipolis consterna les Athéniens. La possession de cette ville leur était avantageuse, parce qu’ils en tiraient des bois de construction et des contributions pécuniaires ; et parce que les Lacédémoniens, favorisés par les Thessaliens, qui leur ouvraient une route contre les alliés d’Athènes, allaient avoir un passage jusqu’au Strymon : au lieu que si les Lacédémoniens n’eussent pas été maîtres du pont, comme au-dessus de ce pont était un grand marais formé par les fleuves, et que du côté d’Éione ils eussent été continuellement observés par les vaisseaux athéniens, ils n’auraient pu se porter en avant ; ce qui leur devenait facile depuis la prise du pont. Ils appréhendaient la défection des alliés ; car Brasidas, qui montrait dans toute sa conduite un grand caractère de modération, répétait partout qu’il n’avait d’autre mission que de délivrer l’Hellade. Les villes sujettes d’Athènes, instruites de la prise d’Amphipolis, de la conduite du vainqueur et de la douceur qu’il avait montrée, aspiraient toutes avec ardeur à un changement [de domination]. Le général lacédémonien recevait de leur part de secrets messages ; elles l’appelaient : c’était entre elles à qui se révolterait la première. Déjà elles étaient sûres de n’avoir rien à craindre, se faisant une fausse idée de la puissance des Athéniens, qu’elles ne présumaient pas aussi grande qu’elle se montra dans la suite ; et fondant leurs jugemens sur d’aveugles désirs, bien plus que sur les calculs d’une sage prévoyance : tant les hommes sont enclins à se livrer inconsidérément à l’espoir qui les flatte, et à repousser, à l’aide d’un raisonnement que leur passion rend victorieux, les craintes les mieux fondées. D’ailleurs on était encouragé par les échecs que les Athéniens venaient de recevoir dans la Béotie, et par les discours de Brasidas, qui gagnait les esprits en déguisant la vérité, comme s’il lui avait suffi de déployer ses forces pour intimider tellement les Athéniens à Nisée qu’ils n’eussent osé se mesurer contre lui. Tous les sujets d’Athènes se persuadaient que personne ne viendrait les contrarier dans leurs projets : mais surtout à raison du plaisir actuel qu’ils y trouvaient et parce qu’ils voyaient enfin, pour la première fois, les Lacédémoniens faire éclater leur ressentiment, ils voulaient à tout prix tenter l’aventure.

Instruits de ces dispositions des alliés, les Athéniens envoyèrent, autant que cela était possible dans un moment de surprise et en hiver, des garnisons dans les villes. Brasidas, de son côté, fit demander une armée à Lacédémone, et lui-même il disposa sur le Strymon un chantier pour construire des trirèmes. Mais les Lacédémoniens ne le secondèrent pas : il portait ombrage aux principaux citoyens ; d’ailleurs on aimait mieux obtenir la restitution des guerriers pris à Sphactérie et terminer la guerre.

Chap. 109. Le même hiver, les Mégariens ayant repris leurs longs murs, où les Athéniens avaient mis garnison, les rasèrent jusqu’aux fondemens. Brasidas, de son côté, après la conquête d’Amphipolis, marcha, avec ses alliés, sur le pays qu’on nomme Acté.

Ce pays, à partir du canal creusé par le grand roi, s’avance beaucoup dans la mer ; et l’Athos, montagne élevée de cette Acté, va descendant vers la mer Égée.

L’Acté renferme Sané, ville habitée