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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/302

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THUCYDIDE, LIV. V.

rétablie entre les peuples qui accédèrent au traité. Mais les Corinthiens et quelques habitans des villes du Péloponnèse troublèrent cet accord, et de nouveaux mouvemens s’annoncèrent aussitôt contre les Lacédémoniens. Ceux-ci, dans la suite du temps, devinrent eux-mêmes suspects aux Athéniens, pour n’avoir pas rempli certaines conditions du traité. Cependant il s’écoula sept ans et deux mois sans que les deux peuples portassent les armes dans le pays l’un de l’autre ; mais hors des frontières, avec cette trève chancelante, ils se faisaient réciproquement beaucoup de mal. Obligés enfin de la rompre après un intervalle de dix ans, ils en vinrent à une guerre ouverte.

Chap. 26. Le même Thucydide d’Athènes a écrit ces événemens de suite et sans interruption, tels qu’ils se sont passés, par été et par hiver, jusqu’au temps où les Lacédémoniens détruisirent la domination d’Athènes et s’emparèrent des longues murailles et du Pirée. Jusqu’à cette époque, la durée de la guerre fut en tout de vingt-sept ans. Il serait inexact de ne pas appeler temps de guerre celui qui s’écoula durant les différentes trèves. Que l’on juge cette période par les faits, tels que nous les avons rapportés, il sera évident qu’il ne peut être regardé comme un temps de paix, puisque, dans sa durée, on ne fit ni ne reçut, de part et d’autre, toutes les restitutions convenues. D’ailleurs, sans parler des guerres de Mantinée et d’Épidaure, les deux partis eurent encore d’autres reproches à se faire, et les alliés de l’Épithrace ne cessèrent de se conduire en ennemis. Quant aux Béotiens, ils ne conclurent qu’une trève de dix jours. Ainsi, en joignant ensemble la première guerre de dix ans, la trève peu sûre qui la suivit, et la guerre qui succéda à cette trève, on trouvera le nombre d’années que j’ai compté, et quelques jours de plus, en supputant suivant l’ordre des temps. On trouvera de plus que c’est la seule manière qui s’accorde sûrement avec les oracles, du moins pour ceux qui croient devoir appuyer leur opinion sur les oracles ; car, je me le rappelle, depuis le commencement jusqu’à la fin de la guerre, bien des gens avançaient qu’elle devait durer trois fois neuf années. J’ai traversé tout le temps de cette guerre de vingt-sept années, me trouvant, à raison de mon âge, en état de mieux voir et de mieux juger, et m’appliquant à acquérir la connaissance des moindres particularités. J’ai passé vingt ans exilé de ma patrie, après mon généralat d’Amphipolis, et je me suis trouvé à portée d’examiner les choses dans l’un et l’autre parti, et peut-être de plus près encore les affaires des Péloponnésiens, à raison de mon exil et du loisir qu’il m’a procuré. Je rapporterai donc les différends qui s’élevèrent au bout de dix ans, la rupture de la trève, et les hostilités qui la suivirent.

Chap. 27. Quand la trève de cinquante ans et l’alliance qui en fut la suite eurent été conclues, les députés du Péloponnèse, convoqués pour cet objet, se retirèrent de Lacédémone. Ils retournèrent chez eux, excepté les Corinthiens, qui, passant d’abord à Argos, eurent des conférences avec quelques-uns des principaux citoyens, et représentèrent que, Lacédémone ayant conclu la paix avec Athènes, auparavant sa plus grande ennemie, et s’étant unie à elle, non pour l’avantage, mais pour l’asservissement du Péloponnèse, il était du devoir des Argiens d’aviser aux moyens de sauver le Péloponnèse, et de décréter que toute ville hellénique qui le voudrait, pourvu qu’elle fût autonome et accordât dans ses tribunaux une entière et parfaite égalité,