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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/304

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THUCYDIDE, LIV. V.

Tous ceux des alliés qui avaient aussi rejeté la trève se trouvaient alors à Corinthe, où ils avaient été mandés antérieurement : les Corinthiens répondirent en leur présence aux députés de Lacédémone. Ils ne se plaignirent ouvertement ni de ce que les Athéniens ne leur avaient pas restitué Solium et Anactorium, ni des autres injustices contre lesquelles ils se croyaient en droit de réclamer : mais ils déclarèrent, pour motiver leur conduite, qu’ils ne trahiraient pas les Hellènes de l’Épithrace ; qu’ils s’étaient particulièrement engagés avec eux par serment, aussitôt que ces Hellènes, avec les habitans de Potidée, s’étaient détachés de l’alliance d’Athènes, et que, dans la suite, ils avaient encore renouvelé cette promesse. Ils soutenaient qu’en refusant de participer à la trève des Athéniens, ils n’enfreignaient pas le serment des alliés ; qu’ayant pris les dieux à témoin de leurs engagemens, ils se rendraient parjures s’ils trahissaient ceux qui avaient reçu leur foi ; qu’on avait réservé les empêchemens qui proviendraient de la part des dieux ou des héros, qu’ils étaient donc évidemment liés par un empêchement divin. Voilà ce qu’ils dirent au sujet de leurs anciens sermens ; quant à l’alliance avec les Argiens, ils répondirent qu’ils se consulteraient avec leurs amis, et feraient ce qui serait juste. Les députés de Lacédémone se retirèrent. Il se trouvait aussi à Corinthe des députés d’Argos, qui prièrent les Corinthiens d’entrer dans leur alliance, et de ne pas différer : ceux-ci les engagèrent à se trouver aux prochaines conférences qui se tiendraient à Corinthe.

Chap. 31. Bientôt arrivèrent les députés de l’Élide, qui contractèrent alliance avec les Corinthiens, passèrent ensuite chez les Argiens, suivant leur mission, et s’allièrent avec Argos. Ils étaient brouillés avec les Lacédémoniens, au sujet de Lépréum : car jadis des Lépréates, en guerre avec quelques Arcadiens, avaient invité les Éléens à leur alliance, en promettant de leur abandonner la moitié du pays ; mais, à la fin de la guerre, les Éléens l’avaient laissé tout entier aux Lépréates, sous l’obligation d’offrir, chaque année, un talent à Jupiter Olympien. Ce tribut avait été acquitté jusqu’à la guerre d’Athènes, qui offrit le prétexte de s’en dispenser. Les Éléens voulant contraindre les Lépréates à remplir leur engagement, ceux-ci s’en remirent à l’arbitrage de Lacédémone. Les Éléens, voyant les Lacédémoniens devenus juges de ce différend, crurent qu’ils n’obtiendraient pas justice, déclinèrent l’arbitrage, et ravagèrent le pays des Lépréates. Les Lacédémoniens n’en prononcèrent pas moins le jugement, et déclarèrent les Lépréates libres, et les Éléens oppresseurs. Ceux-ci, au mépris de la décision, envoyèrent à Lépréum une garnison d’hoplites ; et sur le prétexte que Lacédémone protégeait une ville rebelle et qui leur appartenait, ils mirent en avant l’article par lequel il était dit qu’on rendrait à chacun ce qu’il possédait au commencement de la guerre avec Athènes. Se prétendant lésés, ils se détachèrent de Lacédémone et s’unirent aux Argiens, comme il avait été résolu d’avance.

Aussitôt après, les Corinthiens et les Chalcidiens de l’Épithrace entrèrent aussi dans l’attirance d’Argos. Les Béotiens et les Mégariens, qui se disaient déterminés à suivre ces exemples, se tinrent en repos ; d’une part, surveillés par les Lacédémoniens, et croyant, d’autre part, que, soumis au gouvernement d’un petit nombre, le régime populaire d’Argos leur convenait moins que la constitution de Lacédémone.

Chap. 32. Vers le même temps de cet