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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/310

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THUCYDIDE, LIV. V.

cette alliance, et venir ensuite attaquer les Athéniens isolés. La dissension mise ainsi entre les deux peuples, il dépêcha en particulier des émissaires aux Argiens, qui les presseraient de venir à Athènes, avec les Mantinéens et les Éléens, pour inviter cette république à leur alliance : l’occasion, leur disait-il, était favorable ; il embrasserait fortement leurs intérêts.

Chap. 44. Les Argiens, sur cet avis, et sur la nouvelle soit d’une alliance conclue entre Lacédémone et la Béotie sans la participation d’Athènes, soit de graves différends élevés entre cette dernière et Sparte, ne s’occupèrent plus des députés qu’ils avaient envoyés à Lacédémone pour négocier un accommodement. Ils aimaient mieux tourner leurs pensées vers Athènes, jugeant que cette république, leur amie de toute antiquité, et qui, comme eux, avait un gouvernement populaire et une marine puissante, combattrait avec eux, si on les attaquait. Ils y envoyèrent donc des députés négocier une alliance. À la députation se joignirent les Éléens et les Mantinéens. Il en arriva bientôt, de Lacedémone, une autre composée d’hommes qu’on croyait devoir être agréables aux Athéniens, Philocharidas, Léon et Endius. Cette république, craignant que les Athéniens irrités ne traitassent avec Argos, voulait aussi demander l’échange de Pylos contre Panactum, et se justifier au sujet de l’alliance avec la Béotie, alliance que l’on avait contractée sans mauvais dessein contre Athènes.

Chap. 45. Quand les députés eurent dans le sénat touché ces divers points, et déclaré qu’ils avaient de pleins pouvoirs de traiter, Alcibiade eut peur, s’ils s’exprimaient de même devant le peuple, qu’ils n’entraînassent la multitude, et que l’alliance d’Argos ne fût rejetée. Voici ce qu’il machina contre eux. Il les engagea à ne pas s’avouer, devant le peuple, chargés de pleins pouvoirs, assurant qu’il leur ferait obtenir la restitution de Pylos ; qu’il rendrait les Athéniens aussi favorables à Lacédémone qu’ils lui étaient contraires dans le moment, et qu’il mettrait fin à toutes contestations. Il voulait les brouiller avec Nicias, les perdre dans l’esprit du peuple, comme gens qui ne savaient jamais être sincères ni tenir long-lemps le même langage ; et par là faire admettre les Argiens, les Éléens et les Mantinéens dans l’alliance d’Athènes : ce qui arriva en effet. Les députés se présentèrent à l’assemblée du peuple. Sur les questions qu’on leur fit, ils ne répondirent pas comme dans le sénat, et dès-lors les Athéniens ne surent plus se contenir. Alcibiade déclama contre eux plus vivement que jamais : les Athéniens l’écoutèrent ; ils allaient aussitôt faire entrer les Argiens et ceux qui les accompagnaient, et les déclarer alliés de la république : mais il survint un tremblement de terre ; l’assembléee fut remise.

Chap. 46. À l’assemblée suivante, quoique les Lacédémoniens, trompés les premiers, eussent trompé Nicias, en désavouant leurs pouvoirs, il n’en déclara pas moins que le meilleur parti était d’avoir pour amie Lacedémone, de suspendre les négociations avec Argos, et d’envoyer sur-le-champ savoir les intentions des Lacédémoniens. Ils assuraient que le délai profiterait à Athènes et nuirait à Lacédémone ; que pour Athènes florissante, la meilleure politique était de conserver le plus long-temps possible cette prospérité ; au lieu que pour les Lacédémoniens, peu favorisés de la fortune, c’était un avantage réel que de se jeter au plus tôt au milieu des hasards. Il obtint qu’on enverrait des députés, et lui-même fut du nombre. Ils exigeraient que les Lacédemoniens, s’ils