Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
315
THUCYDIDE, LIV. V.

les Lacédémoniens, pensant qu’ils étaient encore seuls. Mais Agis, dès la nuit, leva son camp, et, à l’insu des ennemis, prit la route de Phlionte pour se joindre à ses alliés. Au lever de l’aurore, les Argiens s’apercevant de son départ, marchèrent d’abord du côté d’Argos, et prirent ensuite la route de la Némée, par où ils pensaient que les Lacédémoniens descendraient avec leurs alliés. Mais Agis, au lieu de suivre ce chemin, fit part de son projet aux Lacédémoniens, aux Arcadiens et aux Épidauriens, prit une autre route difficile, et descendit vers la plaine d’Argos. Les Corinthiens, les Pellènes et les Phliasiens prirent d’un autre côté un chemin escarpé. Quant aux Béotiens, aux Mégariens et aux Sicyoniens, il leur avait été enjoint de se diriger sur la Némée, où étaient campés les Argiens, que l’on surprendrait par derrière avec la cavalerie, s’ils venaient attaquer Agis. Ayant ainsi distribué ses forces, Agis se jeta dans la plaine, et ravagea, entre autres campagnes, celle de Saminthe.

Chap. 59. À cette nouvelle, dès qu’il est jour, les Argiens accourent de la Némée, et rencontrent un corps de Phliontins et de Corinthiens. Ils tuèrent quelques Phliontins, et perdirent un nombre d’hommes à peu près égal sous les coups des Corinthiens. Les Béotiens, les Mégariens et les Sicyoniens se dirigèrent sur la Némée, suivant l’ordre qu’ils en avaient reçu, mais n’y trouvèrent plus les Argiens, ils étaient descendus à la vue de leurs champs ravagés, et s’étaient mis en ordre de bataille. Les Lacédémoniens, de leur côté, se préparèrent au combat. Ceux d’Argos se trouvaient pris au milieu des ennemis. Du côté de la plaine, les Lacédémoniens, et ce qu’ils avaient avec eux d’alliés, leur ôtaient toute communication avec la ville ; des hauteurs descendaient l’armée de Phlionte et de Corinthe ; du côté de la Némée s’avançaient les Béotiens, les Sicyoniens et les Mégariens. Les Argiens n’avaient pas de cavalerie ; car seuls de leurs alliés, les Athéniens n’étaient pas encore arrivés. En général, les Argiens et leurs alliés ne voyaient pas le mal aussi grave qu’il était ; ils se croyaient même en bonne position pour livrer le combat, et se félicitaient de tenir l’armée de Lacédémone sur leur territoire et dans le voisinage de leur ville. Mais, comme les deux armées étaient sur le point d’engager l’action, deux hommes d’Argos, Trasylle, l’un des cinq généraux, et Alciphron, proxène des Lacédémoniens, vinrent détourner Agis de donner bataille. À les entendre, les Argiens étaient prêts à terminer à l’amiable leurs différends avec Lacédémone, à faire la paix pour l’avenir, et à l’assurer par un traité.

Chap. 60. C’était d’eux-mêmes et sans l’aveu du peuple qu’ils parlaient ainsi. Agis, de son côté, prit sur lui d’accueillir leurs propositions, sans se consulter avec un certain nombre de citoyens. S’étant contenté de les communiquer à un seul homme en place qui se trouvait dans son armée, il conclut une trève de quatre mois, durant lesquels les conventions devaient être exécutées. Aussitôt après, il ramena ses troupes sans rien dire à aucun des alliés. Les Lacédémoniens et les alliés le suivirent aveuglément, par obéissance à la loi ; mais ils se plaignaient amèrement entre eux de sa conduite, persuadés qu’ils venaient de perdre une belle occasion de combattre, et qu’ils se retiraient sans avoir rien fait qui répondît à ce que leurs forces avaient d’imposant, et au moment où, de toutes parts, l’ennemi se trouvait renfermé par leur cavalerie et leur infanterie. C’était en effet la plus belle armée hellénique qui se fût organisée