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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/325

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THUCYDIDE, LIV. V.

qu’après l’avoir dévastée, parce qu’on y avait accueilli leurs exilés, qui, pour la plupart, avaient cherché un asile en ce lieu.

Le même hiver, les Athéniens interdirent à Perdiccas l’entrée des ports de la Macédoine. Ils lui reprochaient d’avoir fait partie de la ligue d’Argos et de Lacédémone, et d’avoir été, par sa retraite, la principale cause de la dispersion de leur armée, lorsque, sous le commandement de Nicias, ils se disposaient à la guerre contre les Chalcidiens de la Thrace littorale et contre Amphipolis, et qu’il feignait d’être encore dans leur alliance. On le jugea donc ennemi.

Avec ces événemens finirent l’hiver et la quinzième année de la guerre.

Chap. 84. L’été suivant, Alcibiade cingla vers Argos, avec vingt vaisseaux, et enleva trois cents Argiens qui paraissaient encore suspects, et que l’on croyait dans les intérêts de Lacédémone. Les Athéniens les dispersèrent dans les îles voisines de leur domination.

Ils se portèrent contre l’île de Mélos avec trente de leurs vaisseaux, six de Chio, et de Lesbos. Eux-mêmes fournissaient douze cents hoplites, trois cents archers, vingt archers à cheval ; leurs alliés et les insulaires donnaient, pour cette expédition, environ quinze cents hoplites.

Les habitans de Mélos, colonie de Lacédémone, ne voulaient pas, comme ceux des autres îles, obéir aux Athéniens. D’abord ils gardèrent la neutralité et se tinrent en repos ; mais ils en vinrent ensuite à une guerre ouverte, quand les Athéniens les y eurent forcés, en ravageant leurs campagnes. Les généraux Cléomède, fils de Lycomède, et Tisias, fils de Tisimaque, campèrent donc sur le territoire de Mélos avec un appareil menaçant ; mais, avant tout, ils envoyèrent des députés conférer avec les habitans. On ne les introduisit point dans l’assemblée du peuple ; mais on leur dit de communiquer aux magistrats et aux oligarques l’objet de leur mission. Les députés parlèrent ainsi :

Chap. 85. Les Athéniens. « Vous n’avez donc pas voulu que cette conférence se tînt devant le peuple ; et telle a été, nous le comprenons bien, votre pensée, en ne nous permettant de traiter qu’avec les magistrats : vous avez craint sans doute qu’écoutant une harangue suivie, la multitude, flattée par des paroles insinuantes et qui ne trouveraient pas de contradicteurs, ne se laissât surprendre. Eh bien ! Méliens qui siégez ici, prenez des précautions encore plus sûres : vous-mêmes n’adoptez pas un discours suivi, mais relevez sur-le-champ les articles qui ne vous paraîtront pas convenables. Et d’abord, cette forme que nous vous proposons, vous plaît-elle ! Répondez. »

Chap. 86. Le Conseil des Méliens. « On ne peut qu’approuver une manière raisonnable de s’instruire amicalement : mais comment la retrouver dans un appareil de guerre, non pas éloigné, mais présent ? Car nous voyons que vous êtes venus ici pour être vous-mêmes juges de ce qui se dira ; et vraisemblablement la fin de tout ceci sera pour nous la guerre, dans le cas où, plus forts en raisons, nous ne voudrions pas pour cela même vous céder ; et si nous obéissons, la servitude. »

Chap. 87. Les Athéniens. « Êtes-vous assemblés ici pour calculer les soupçons que peuvent éveiller les événemens futurs, et dans une autre intention que celle de délibérer sur le salut de votre ville d’après les circonstances présentes et qui sont sous vos yeux ? Dans ce cas nous n’aurions qu’à nous taire. Si le salut de la patrie vous rassemble, nous parlerons. »