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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/348

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THUCYDIDE, LIV. VI.

les plus injustes de tous les Hellènes que je connais, si, le sachant, vous persévérez dans votre folie.

Chap. 40. » Mieux instruits, ou corrigés, occupez-vous du bien public, persuadés que vous, principaux citoyens, aurez une part égale, supérieure même, à celle de la multitude, mais qu’avec des volontés contraires vous risquez de perdre le tout. Cessez de répandre de pareils bruits, bien convaincus que nous pressentons vos desseins et que nous n’en souffrirons pas l’exécution. Notre ville, quand même les Athéniens arriveraient, se défendra d’une manière digne d’elle. Nous avons des généraux qui auront l’œil sur les événemens. Si, comme je le crois, il n’y a rien de vrai dans tout ce qu’on nous annonce, l’état ne se laissera point intimider par vos avis, il ne vous choisira pas pour ses chefs et ne se jettera pas de plein gré dans l’esclavage ; mais, voyant de ses propres yeux, il jugera vos discours comme équivalant à des actions, et, loin de se laisser ravir sa liberté sur la foi de vains discours, il travaillera à la conserver : d’actives précautions déjoueront vos complots. »

Chap. 41. Voilà ce que dit Athénagoras. L’un des généraux, se levant, ne permit plus à personne de prendre la parole, et il s’exprima lui-même ainsi sur la question qu’on agitait : « Il n’est sage ni de débiter ni d’écouter des invectives. Il vaut mieux, d’après les bruits qui se répandent, que chaque citoyen en particulier, que la république entière, se disposent à bien recevoir les ennemis. Si les précautions sont inutiles, il ne résultera aucun malheur de s’être pourvu de chevaux, d’armes, de tout ce qu’exige la guerre. Vos généraux veilleront sur ces apprêts, feront leur revue, enverront sonder les dispositions des villes, en un mot, régleront tous les objets essentiels. Bien des mesures sont déjà prises ; nous instruirons l’assemblée de ce qui viendra à notre connaissance. » Ainsi parla ce général ; l’assemblée fut dissoute.

Chap. 42. Cependant les Athéniens étaient déjà tous à Corcyre avec les alliés. Les généraux firent d’abord une nouvelle revue de la flotte, et la disposèrent dans l’ordre où elle devait entrer en rade et se ranger en bataille. Ils en formèrent trois divisions, qu’ils se partagèrent au sort, afin d’éviter les embarras qu’en voguant tous ensemble ils eussent éprouvés à faire de l’eau, à entrer dans les ports, à se pourvoir de munitions dans les endroits où il faudrait séjourner ; afin aussi que les troupes observassent un ordre plus régulier et fussent plus faciles à commander, chaque division n’ayant à obéir qu’a son chef particulier. Ils se firent ensuite devancer en Italie et en Sicile par trois vaisseaux, les chargeant de s’informer des villes qui consentiraient à les recevoir, et de revenir à la rencontre de la flotte, afin de communiquer ces renseignemens aux généraux avant leur arrivée.

Chap. 43. Ces dispositions terminées, les Athéniens quittèrent Corcyre, se dirigeant vers la Sicile avec toutes les trirèmes, au nombre de cent trente-quatre, et deux pentécontores rhodiennes. L’Attique avait fourni cent de ces vaisseaux, dont soixante légers ; les autres portaient des gens de guerre ; Chio et les autres alliés avaient fourni le reste de la flotte. Les hoplites étaient en tout au nombre de cinq mille cent hommes, dont quinze cents citoyens d’Athènes portés sur le rôle ; sept cents thètes, valets de vaisseaux ; de plus des sujets d’Athènes, des Argiens, au nombre de cinq cents, et deux cent cinquante Mantinéens soldés. Les archers formaient en tout quatre cent quatre-vingts hommes, dont quatre-vingts de Crète : on comptait sept cents frondeurs rhodiens, et cent vingt bannis